Cinema
[Cannes Compétition] “Mr Turner”, de Mike Leigh : une tranche de lumineuse sociologie very british

[Cannes Compétition] “Mr Turner”, de Mike Leigh : une tranche de lumineuse sociologie very british

15 May 2014 | PAR Yaël Hirsch

Abonné de la Croisette, le réalisateur anglais Mike Leigh surprend en choisissant un thème plutôt historique : la vie du peintre anglais Joseph Turner (1775-1851). Un longue tranche de vie où les costumes et les détails en disent long sur les classes sociales et les mœurs londoniennes qui servaient de coulisses au “romantisme” marines lumineuses du maître.

[rating=4]

Tout commence par un moulin et deux paysannes avec fichu qui conversent en néerlandais. Est-on chez Turner ou chez Rembrandt? La silhouette massive du premier apparaît, qui est justement parti au Pays-Bas se nourrir les yeux de peintres flamands. C’est donc déjà au faîte de sa gloire que l’on rencontre Joseph Turner, bourreau de travail qui a laissé femme et enfants pour s’y consacrer, aidé par son père et sa servante qu’il saute parfois brutalement dans une pièce de son appartement. Si à l’intérieur, Turner est d’une sensibilité immense qui ne laisse pas les dames insensibles, à l’extérieur c’est une “gargouille” qui ne s’exprime que par borborygmes (Chapeau bas à Timothy Spall qui déploie une palette de bruissements inarticulés absolument ébouriffante!).

Pointant parfois avec malice vers Barry Lindon, Mike Leigh reconstitue avec exactitude la vie d’un homme âgé dans le Londres du milieu du 19ème siècle : les enfants meurent régulièrement en bas âge, les gens sont sales, pas très beaux, les peaux se croûtent d’eczéma et de saleté. Et, même s’il a fait la Royal Academy et qu’il a réussi au point de résider parfois parmi les lords qui lui passent commande, un fils de barbier comme Joseph Turner reste marqué à vie par son origine sociale que les raffinements et les gloussements élaborés d’un critique d’art fanatique comme John Ruskin ne peuvent raffiner. Enfin l’on peut dire : ceci n’est pas un biopic, mais véritablement et comme d’habitude chez Mike Leigh, un film social.

Mr Turner, de Mike Leigh, avec Timothy Spall, Dorothy Atkinson, Marion Bailey, Paul Jesson, Lesley Manville, Martin Savage, Ruth Sheen, 2h29. En compétition. Diaphana

Visuel : Mr.Turner ©Simon Mein – Thin Man Films

Retrouvez tous les articles du Dossier Cannes 2014 ici.

[Cannes] « Party Girl » ouvre la section « Un certain regard » avec des accents émouvants de cinéma-vérité
[Cannes] “Loin de mon père” de Keren Yedaya, un film éprouvant sur l’inceste dans la section “Un certain Regard”
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration