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[Ciné Salé] Didier Nion lance Jérémie Lippmann, son Naufragé volontaire, à corps perdu dans le sillage héroïque d’Alain Bombard

[Ciné Salé] Didier Nion lance Jérémie Lippmann, son Naufragé volontaire, à corps perdu dans le sillage héroïque d’Alain Bombard

21 October 2017 | PAR Charles Filhine-Trésarrieu

Présenté en avant-première et en compétition au festival Ciné Salé 2017 au Havre, ce film de Didier Nion retrace avec passion la traversée périlleuse de l’Atlantique par Alain Bombard en 1952.

C’est la folle aventure atlantique d’Alain Bombard qu’a choisi de porter à l’écran Didier Nion. Le réalisateur de Naufragé volontaire s’est inspiré de l’ouvrage éponyme que l’aventurier français avait publié quelques mois après être revenu à terre, en 1953. Mais pour le spectateur non-averti, c’est d’abord l’incompréhension. Que fait-il cet idiot, à partir seul sur son petit canot, sans eau et sans nourriture, à l’assaut de l’océan ? Que veut-il prouver ? C’est sans doute l’un des rares bémols de cette production : le choix de se concentrer sur l’épreuve en elle-même sans au préalable revenir sur les intentions du héros, qui se lance dans l’eau dès les première minutes du film. Car si le retentissement mondial des aventures d’Alain Bombard a touché de nombreux français, elles eurent lieu au début des années 1950 et parmi les jeunes générations leur souvenir s’étiole. De son propre aveux, Jérémie Lippmann, l’acteur portant Alain Bombard à l’écran, n’en connaissait rien avant d’être auditionné pour le rôle. C’est pourtant la raison qui semble avoir poussé Didier Nion à réaliser ce film, qu’il a voulu être avant tout un hommage à celui qu’il décrit à juste titre comme un héros. Car, alors que certaines thèses d’Alain Bombard sont aujourd’hui discutées, ses actions ont malgré tout sauvé de nombreuses vies et amené l’ensemble des marines du monde à doter leurs navires de canots pneumatiques d’urgence. Obnubilé par le trop grand nombre des marins qui périssait dans leurs chaloupes de sauvetage, ce jeune médecin voulait prouver au monde entier qu’il existait des moyens de survivre pendant un certain temps en mer après un naufrage, en filtrant du plancton et en buvant de petites quantités d’eau de mer en l’absence de pluie. C’est ainsi qu’en 1952, il se mit en tête de traverser l’Atlantique d’Est en Ouest à bord d’un petit canot pneumatique doté d’une voile d’optimiste, sans réserve d’eau ni de nourriture.

C’est autour de cette épreuve physique extrême que Didier Nion a choisi de construire son film. Le réalisateur a voulu mettre le corps à l’épreuve de la mer. Au fur et à mesure du récit, la barbe s’épaissit, la peau s’abîme, les vêtements s’éliment tout comme le bateau qui se dégrade. Car c’est bien une performance physique intense et prenante que nous livre Jérémie Lippmann dans ce film. Pour habiter ce rôle comme il a réussit à le faire, l’acteur a dû être malmené par son réalisateur. Pour le préparer, Didier Nion lui a entre autres fait visionner Hunger, de Steve McQueen, film pour lequel Michael Fassbender a fait subir à son corps un régime qui l’a rendu d’une maigreur dérangeante. Des semaines de tournage passées au large de la Bretagne, Jérémie Lippmann a aussi expliqué que c’est seulement là qu’il a réalisé la rudesse de la vie en mer. Fanfaronnant devant le réalisateur lorsque celui-ci l’avait prévenu en amont du tournage, il aurait pourtant dû prendre garde aux conseils de celui qui, en tant qu’équipier, avait déjà traversé de nombreuses fois l’Atlantique avant de réaliser ce film. Si les dimensions psychologique et poétique forment le cœur battant du film, il n’aurait pas été aussi réussi sans les efforts fourni par Didier Nion et son équipe pour retranscrire l’épreuve de la façon la plus réaliste possible. Le spectateur est aussi chahuté que le petit rafiot lorsqu’il est soulevé par la houle, et cela tient en parti du fait que l’acteur était réellement placé au creux de vagues agitées de l’océan Atlantique. L’un des plans les plus saisissants du film met en scène Alain Bombard sur son canot, seul au milieu de l’eau, avec en arrière plan des nuages noirs immenses qui s’apprêtent à le dévorer, lui et son audace d’avoir voulu défier la mer. Un autre nous montre l’homme à la barre de son navire, se retournant pour contempler plusieurs baleines qui viennent le frôler – des images incrustées numériquement derrière l’acteur, fournies par Jacques Perrin et tirées de son film Océans, sorti en 2010. Les séquences marines, qui composent évidemment l’immense majorité de ce long-métrage, sont toutes réussies, et l’on sent que le réalisateur, ancien directeur de la photographie, a tenu à soigner le moindre de ses plans.

Après un travail de plusieurs années – le film a failli par deux fois ne jamais voir le jour – il est touchant de voir Didier Nion nous présenter un projet qui lui tenait tant à cœur. Lorsqu’il s’est avancé sur la scène du Théâtre de l’Hôtel de Ville, on a senti le réalisateur sincèrement ému de présenter pour la première fois ce travail si personnel au public. Car il s’agit d’un long métrage intense, réalisé avec humilité par un homme passionné. Son équipe de tournage a en effet dû se plier aux exigences de la mer, notamment lorsqu’il a fallu attendre que le mauvais temps arrive pour les tempêtes. Et c’est plein de révérence pour l’exploit de l’homme comme pour la dureté des éléments qu’a été produit ce film. Car l’océan est bel et bien le second acteur de ce film, et c’est en dialogue avec lui que Jérémie Lippmann s’est emparé de son rôle. D’aucun pourrait reprocher l’absence de ressemblance physique avec l’homme que fut Alain Bombard. Ce n’est pourtant pas un problème. L’acteur comme le réalisateur n’ont pas cherché ici à coller à la réalité, mais à retranscrire l’expérience universelle d’un homme perdu en pleine mer. De l’avis même de deux des fils d’Alain Bombard, présents dans la salle lors de l’avant-première, ce film leur a montré une version tout à fait plausible de ce qu’ont pu être les réactions et les errances psychologiques de leur père lorsque celui-ci s’est intentionnellement retrouvé seul au milieu de l’océan. Ce compliment à lui-seul suffit à décrire l’esprit de Naufragé volontaire, un film de Didier Nion présenté en compétition au festival Ciné Salé 2017.

Visuel : D.R.

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Charles Filhine-Trésarrieu

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