Cinema

Ciné : Mange, ceci est mon corps : film-transe ou trip filmé ?

23 October 2008 | PAR loic

Mange ceci est mon corpsMange, ceci est mon corps est le premier long-métrage de Michelange Quay qui traite du racisme, du rapport colonialiste entre Français et Haïtiens. Le film ne raconte aucune histoire, laisse le spectateur se construire ses propres idées à partir de chaque séquence. Un somnifère à toute épreuve.

Une des caractéristiques du cinéma moderne est la disparition de la narration au profit d’un regard permanent et subjectivé sur le monde. C’est dans cette démarche que s’inscrit ce premier long-métrage, c’est-à-dire que c’est un regard sur une situation donnée. Mais ce type de cinéma se justifie à deux conditions : d’une part, quand le regard posé sur le monde est bouleversant ou novateur ; d’autre part, quand la disparition de l’histoire n’est pas une facilité mais un obstacle à surmonter. Ici, aucune des deux conditions n’est remplie.

Dès lors, la question n’est plus de savoir ce que le film nous montre, mais de savoir ce qu’il est. On peut hésiter entre deux choix : le film-transe (dans le meilleur des cas) ou le trip filmé. Mange, ceci est mon corps pourrait s’inscrire dans la lignée des films-transe de Jean Rouch, cinéaste-éthnologue qui a réalisé environ cent cinquante documentaires sur l’Afrique. Dans certains, il filme des rites, caméra à l’épaule. Michelange Quay s’est certainement inspiré de ce cinéaste : en témoigne la séquence où l’on voit des femmes noires faire semblant de mixer de la musique électronique pendant que la caméra effectue des panoramiques à 360°. Sauf que dans le film-transe de Jean Rouch, le cinéaste allait au coeur du rite, et permettait au spectateur d’identifier chaque Africain. La transe de Jean Rouch n’était pas vague et opaque ; au contraire, on saisissait mieux que jamais le rapport entre Français et Africains (voir les impressionnants Maitres fous, film qui est un exemple en la matière). Or, la puissance de ce dispositif est totalement absent du film de Michelange Quay. Ici, on ne différencie personne, seulement les “bons français” (Sylvie Testud et Catherine Samie).

Au contraire, Michelange Quay réalise un film qui n’est qu’une forme, tellement le fond en est flou. Certaines séquences semblent trop perchées dans l’imagination du cinéaste et deviennent trop fragiles : le mix’ par les vieilles Haïtiennes, Sylvie Testud qui échange des « merci » avec ses convives de tables. Un semblant d’idée est perceptible mais les moyens pour la mettre en scène sont trop hermétiques pour la faire vivre pleinement. Par conséquent, on a davantage affaire à un « trip filmé ». Le cinéaste avait son idée et l’a exploitée telle qu’elle. Il en ressort la désagréable impression que personne ne sait vraiment ce qu’il fait (l’ennui des figurants est visible). En voyant Catherine Samie (actrice de la Comédie Française) livrer un long monologue face à la caméra, le spectateur peut presque s’imaginer les indications que le cinéaste lui a donné quelques minutes avant la prise. Ce film est l’affaire d’une personne, Michelange Quay : du coup, les dialogues restent écrits, les images trop esthétisantes, les métaphores trop figurées.

Mange, ceci est mon corps. Écrit et réalisé par Michelange Quay. 1H45.
Avec Sylvie Testud et Catherine Samie.

L. Barché

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