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Ciné : Dernier maquis, de Rabah Ameur-Zaimèche

22 October 2008 | PAR loic

Dernier maquisAujourd’hui sort le troisième film de Rabah Ameur-Zaimèche, Dernier maquis. Après Wesh wesh qu’est-ce qui se passe ? et Bled number one, le réalisateur clôt sa trilogie. Film rempli de cagettes rouges qui forment différentes structures, Dernier maquis est fascinant par sa rigueur et son ascétisme.

Tout le film se déroule dans un entrepôt de cagettes. Le rouge pétant de celles-ci envahira le film tout entier jusqu’à le faire ressembler au Cris et chuchotements de Bergman. Dans Dernier maquis comme dans Cris et Chuchotements, les choix esthétiques ne sont pas une question simplement visuelle, car ce ne sont pas des films agréables à regarder (ce rouge omniprésent est plutôt angoissant). Leurs choix esthétiques, et leur cinéma tout entier, sont le fruit d’une intense réflexion morale et ontologique. Par conséquent, dès les premiers plans de Dernier maquis, on sait que l’on a affaire à un film qui comprend les moyens du cinéma et va essayer de les mettre en oeuvre pour faire avancer les choses. Aujourd’hui, cette volonté pourrait facilement devenir naïve si elle n’était profondément sérieuse et maîtrisée.

La moindre des choses est donc de dire que Dernier maquis est un film profond, et souvent grave. L’histoire est celle des ouvriers de cet entrepôt de cagettes rouges qui, petit à petit, remettent en cause l’intégrité de leur patron. Le réalisateur prend tellement les choses à coeur qu’il incarne lui-même le patron malfaisant, comme pour dire qu’il ne peut suffire de dénoncer la soif de pouvoir. Ainsi, dans son interprétation comme dans tout le film, il n’y a aucune facilité, tellement il sort des sentiers battus.
Tout d’abord, le film adopte un rythme particulièrement original. Les acteurs sont fascinants de vérité. Pour la plupart, ce sont des comédiens amateurs que le cinéaste a embauchés sur place. Leurs dialogues sont toujours très justes et cela rend le film étrangement aérien. L’heure et demie passe en un clin d’oeil, simplement en suivant les états d’âme d’ouvriers qui n’ont pas grand chose de traditionnellement cinématographique. On ne s’ennuie pas donc, alors que l’intrigue avance avec une lenteur extrême, si bien qu’on y prête presque plus attention. En somme, on peut dire que Dernier maquis est un film qui tourne à vide (dans le bon sens du terme, puisque c’est voulu) : des personnages saisissants dans une histoire qui piétine.

ameur-zaim?e dernier maquis

Deuxième aspect très singulier du film, son refus de tout ce qui pourrait être déjà acquis par le spectateur. Devant Dernier maquis, le spectateur est en terre inconnue, tellement Rabah Ameur-Zaimèche rejette systématiquement tout ce qui pourrait être facilement joli. Ici, il fait sans cesse gris, il pleut, les lieux et les personnages n’ont absolument rien d’exotique. Jusqu’à l’affiche du film, tous les éléments tendent à une certaine obscurité. Il est évident que pour le metteur en scène, les relations conflictuelles entre l’Islam et le monde du travail est un problème sérieux dont il s’empare à bras le corps. Ce qui est très beau, c’est qu’ Ameur-Zaimèche échappe à toutes les conventions, même à celles du film social. Dernier maquis est peut-être un film social mais il ne ressemble à aucun autre du même genre. Et cela grâce à la rigueur du regard que pose le cinéaste sur ce petit entrepôt du 94.

De Dernier maquis, il ne ressort aucun constat ni aucune dénonciation. Le film n’est jamais discursif, encore moins prescriptif. Au contraire, il est assez nébuleux et aérien. Aujourd’hui, il est encore difficile de parler d’un tel film ; tout ce qu’il apporte au cinéma ne sera sans doute discernable que dans quelques années. Ce que l’on peut dire d’emblée, c’est que l’on a affaire à un art le plus noble qui soit.

Dernier maquis, écrit et réalisé par Rabah Ameur-Zaimèche. 1H33
Avec Rabah Ameur-Zaimèche, Abel Jafri.

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