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Cannes, jour 5 : Avec Borgman, Serge Bozon et Bombay Talkies, une journée entre Europe et Asie pour finir la première semaine du festival

Cannes, jour 5 : Avec Borgman, Serge Bozon et Bombay Talkies, une journée entre Europe et Asie pour finir la première semaine du festival

19 May 2013 | PAR Yaël Hirsch

 

La journée a commencé sur une note ensoleillée et un petit vend nordique agréable avec le très caustique et très réussi film du réalisateur néerlandais Alex Van Warmerdam, « Borgman ». Cela faisait 38 ans que la Hollande n’avait pas été représentée dans la compétition officielle. D’où une foule de journalistes néerlandais en liesse, dès potron minet, au pied des marches pour la projection presse du 8h30 de cet excellent film. Sur le mode du thriller absurde, les lignes géométriques de Borgman révèlent les hypocrisies de la bourgeoisie pavillonnaire néerlandaise (extensible à toute d’Europe).

A 11h30, l’Europe du Nord était toujours à l’honneur puisque la commissaire européenne à l’Éducation, Androulla Vassiliou, a remis le Prix MEDIA de l’Union Européenne au cinéaste danois Thomas Vinterberg et à sa productrice Sisse Graum (Zentropa) pour leur projet “Kollektivet” (The Commune), sur la vie dans une communauté danoise des années 70. Président du jury d’ « Un certain » regard cette année, primé l’an dernier à travers la palme de Mads Mikkelsen pour « La chasse », Vinterberg succède ainsi à Asghar Farhadi, prix MEDIA 2012 pour « Le passé » qui est cette année en compétition officielle.

A 11h30, la Quinzaine projetait en preview de la cérémonie du soir le quatrième long métrage du talentueux Serge Bozon, « Tip top ». Avec un casting ébouriffant : François Damiens, Sandrine Kiberlain et une Isabelle Huppert qu’on adore redécouvrir dans des rôles comiques depuis « 8 femmes » et « Copa Cabana », « Tip Top » offre certains sketches absolument irrésistibles, le réalisateur va parfois trop loin, notamment dans son pastiche du film noir français en temps de guerre d’Algérie, et l’adjonction de sketches ne fait pas scénario. Nous sommes sortis de la séance dans un état étrange : à la fois abasourdis et déçus par le décousu et le goût de la provocation gratuite et en même temps enthousiasmés par les formidables comédiens qui ont l’air de s’en être donné à cœur joie sur le tournage.

Le temps de profiter d’un rayon de soleil, d’écrire un peu et de boire un café sur la plage Nespresso et il était temps de se préparer pour la soirée cannoise.

A 19h, Claude Lanzmann présentait en hors compétition son morceau de bravoure de 3h40 sur «Le dernier des injustes ». Des images prises en 1975 où le réalisateur de “Shoah” (qui a aujourd’hui 87 ans) s’entretenait avec Benjamin Murmelstein, le dernier Président du Conseil Juif du ghetto de Theresienstadt. Camp vitrine du nazisme, Theresienstadt fascine Lanzmann. De même que la figure de Murmelstein qui se donne a lui même ce titre de dernier des injustes. L’existence des Conseils juifs qui établissaient des “listes” pour les nazis, leur facilitant la tâche et choisissant qui allait partir pour les camps de la mort, est un thème qui fait toujours réfléchir : comment agir autrement, malgré tout? A mettre en paralléle avec la fureur suscitée par les pages sur les conseils juifs dans le livre écrit par Hannah Arendt sur le procès Eichmann et que rappelle en ce moment même à l’affiche le “biopic” de Margarethe von Trotta.

Si l’Inde est tout à fait à l’honneur tout au long de ce 66ème festival de Cannes, en ce dimanche 19 mai, le 100ème anniversaire du cinéma se fêtait sur le tapis rouge. Après le succès en séance de minuit du premier long-métrage de Amit Kumar, « Moonsoon Shootout », un thriller intense sur un jeune policier de Mumbai pris dans un terrible engrenage, à 19h30, la salle du 60ème recevait la ministre de la Culture française et le ministre du tourisme indien pour la projection du film évènement de ce centenaire à Cannes : « Bombay Talkies ». Présentée par Thierry Fremaux, la séance a débuté sur un petit mot de chacun des quatre réalisateurs du film palimpseste (et en quatre morceaux) que le public a pu déguster. Ces talents montants sont 3 hommes et une femme : Karan Johar, Anurag Kashyap, Zoya Akhtar et Dibakar Banerjee.

Toujours très référentiel, le film “Bombay Talkies” présentait 4 personnages fans de cinéma. Un jeune homme gay amoureux du mari de sa meilleure amie et qui ose se déclarer en lui faisant écouter les chansons d’amour d’une fille des rues, un père qui se voudrait acteur et qui parvient à prouver à sa fille tout l’amour qu’il a pour elle lorsque, spectateur d’un tournage, il se retrouve avoir une petite scène à y jouer, un petit garçon dont le rêve est de devenir danseuse, comme son idole, Katrina Kaif, et enfin un jeune-homme qui doit accomplir les dernières volontés de son père, en allant faire bénir un peu de confiture pour lui par l’acteur Amitabh Bachchan. Le film est porté par des grands noms du jeune cinéma indien (Rani Mukherji, Nawazuddin Siddiqui, Randeep Hooda and Saqib Saleem) et met en scène bien sûr la danse, le cinéma, mais aussi l’homophobie encore très présente à Bombay et la vitalité de la ville.

La soirée s’est terminée à la fête pleine d’esprit de nos collègues du magazine snatch qui feraient avec le label Bromance son numéro spécial Cannes et son édition de printemps 2013. La soirée avait lieu en deux temps : jusqu’à minuit au bar grey goose avec de délicieux cocktails faits un à un (nous recommandons l’envol) et après dans une boîte beaucoup plus locale, l’acces. Impertinent et vitamine en culture snatch désosse l’actualité culturelle avec une branchitude décontractée. Un souffle d’air frais!

Demain, lundi, la journée sera riche en beaux films, avec trois films en compétition : le Paolo Sorrentino, le Takeshi Miike et el film de Valeria Bruni-Tedeschi. L’adaptation par James Franco du « As I lay dying » de Faulkner devrait être au top du buzz cannois, tandis que Guillaume Canet et son équipe pourraient bien rafler la mise côté bombardement médiatique, avec une montée de marches prévue pour 11h30. Côté section parallèle, la quinzaine promet un film magnifique avec le film de Guillaume Galienne « Les garçons et Guillaume à table ! ».

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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