Cinema
[Cannes, Compétition] “Sieranevada”, huis-clos familial profond mais trop chargé

[Cannes, Compétition] “Sieranevada”, huis-clos familial profond mais trop chargé

19 May 2016 | PAR Geoffrey Nabavian

Nouveau travail sur la durée pour le très doué Cristi Puiu, qui donne à voir, sur près de trois heures, une commémoration familiale houleuse. Malgré une belle avancée vers le mystique, son film peut sembler bien long, à force de paroles déroulées sans fin…

[rating=3]

Convoquons un souvenir : Bruno Dumont recevant le Grand Prix à Cannes en 1999, pour L’Humanité. A l’époque, dans Télérama, Louis Guichard écrivit que le film n’était pas la “photocopie de la réalité” que certains avaient tant décriée. L’expression vient en tête à propos du nouveau film de Cristi Puiu, qui fit l’unanimité en 2006 en France avec La Mort de Dante Lazarescu, avant de diviser avec Aurora, sorti en 2012 chez nous. En temps quasiment réel, il figure une commémoration familiale, qui va être sans cesse perturbée par des querelles. Au début, c’est Lary (Mimi Branescu), fils médecin à l’air tourmenté, qui fera office de personnage principal. Rapidement, il va plus ou moins se fondre dans la masse comme les autres. Jusqu’à une scène intense, intervenant après quelques deux heures de film.

On avait pu trouver que Dante Lazarescu restait baigné d’une ironie un peu fatigante. A ce titre, on avait donc pu préfèrer Aurora, et son traitement du temps ultra justifié, la durée épousant le mal-être du personnage principal. Dans Sieranevada, on n’est pas sûrs que le respect de l’étirement du temps donne au final un bon résultat. Le problème réside surtout dans les dialogues, intellectuels à l’extrême. Que les échanges soient longs, soit. Qu’on y parle de politique ou de questions sociales, très bien. Mais que cela se fasse en des termes aussi savants, aussi profonds… On a l’impression d’assister aux pires réunions de famille, celles où personne ne sait maîtriser un sujet. Et les mêmes débats reviennent plusieurs fois… Ainsi, Sebi et son obsession du grand complot mondial finissent par fatiguer.

D’autant plus qu’il faut le dire, aucun effort d’embellissement ou de dramatisation n’est fait sur ce réel. Les scènes n’ont parfois pas d’enjeu, et tout reste gris. Pour quelques ruptures fulgurantes, et surtout le côté mystique qui survient à des endroits dans le film, on témoignera du respect à ce dernier. Mais même si l’on sait qu’il traverse des thématiques généreuses, on jette l’éponge à un moment, et on refuse de remonter avec Lary sur ces montagnes, donc dans l’appartement, où des maudits tournent et parlent sans fin. On repense alors à Aurora, et à Viroel, son héros solitaire, impénétrable, mais rendu fascinant par une mise en scène si juste…

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Visuels : © Wild Bunch Distribution

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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