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Cannes 2018, Semaine de la Critique : “Chris the Swiss”, le (très) sombre documentaire de Anja Kofmel sur la guerre civile en ex-Yougoslavie

Cannes 2018, Semaine de la Critique : “Chris the Swiss”, le (très) sombre documentaire de Anja Kofmel sur la guerre civile en ex-Yougoslavie

14 May 2018 | PAR Aurore Garot

Chris the Swiss est une des pépites de la Semaine de la Critique. Anja Kofmel présente un documentaire animé exceptionnel par sa beauté, troublant et terrifiant par sa noirceur. Un retour sur la guerre civile sanglante en ex-Yougoslavie (1991-2001) à travers le sombre destin d’un jeune reporter de guerre suisse, prêt à se mettre en danger pour relater son histoire.

Chris the Swiss est une histoire aussi intime qu’universelle. A 10 ans, Anja Kofmel apprend la mort de son cousin Christian Wurtenberg, âgé de 26 ans, assassiné dans d’étranges circonstances pendant la guerre des Balkans en Croatie. Un cauchemar incessant hante année après année, l’esprit de la réalisatrice au point d’en devenir presque une obsession. Que lui est-il arrivé ? Pourquoi était-il habillé en uniforme de mercenaire lorsqu’il a été retrouvé mort ? Que cherchait-il ? Peut-on sacrifier sa vie pour une histoire ? Le traumatisme personnel et familial pousse la cinéaste à enquêter. Arrivée à l’âge de son cousin, elle part elle-même sur ce territoire encore marqué par les traces du passé, à la recherche de la vérité.

Croisant images et animation, témoignages de ceux qui l’ont connu (famille, journalistes et mercenaires), carnets de notes et vidéos d’archives, le documentaire est original par son hybridité. Anja Kofmel puise dans ses talents de dessinatrice pour redonner vie à son cousin lorsque les archives ne le peuvent pas, à travers une animation épurée, en noir et blanc contrasté qui retrace sa route, les paysages, les visages, la mort et les soldats représentés en figures sombres, instables et menaçantes formées par un torrent d’insectes noirs non-identifiés. Tout un travail qui accentue l’aspect dramatique, illustre l’imaginaire de la cinéaste vis à vis de toute cette histoire ainsi que l’horreur à son niveau le plus élevé. Un passé qui ne “peut être retrouvé, retranscrit qu’à travers une perspective purement personnelle” explique-t-elle. Mais ce qu’Ajan Kofmel montre, c’est aussi une critique virulente sur la monstruosité, l’absurdité, la répugnance et l’injustice de la guerre, où intérêts économiques, politiques et idéologiques dominent et tuent sans pitié.

Chris était un reporter, un aventurier, un homme fasciné par la guerre. Arrivé en Croatie en tant que journaliste, il meurt pourtant en uniforme appartenant à une milice pro-croate d’extrême-droite plus que douteuse. Chris était prêt à aller encore plus loin dans la dangerosité pour révéler la situation de l’ex-Yougoslavie, à travers un livre qu’il était en train d’écrire. Mais qui serait prêt à se mettre en péril pour une histoire ? “Chris a été plus honnête qu’intelligent, c’est ce qui l’a perdu” explique  l’un des correspondants de guerre présent sur le terrain avec lui avant que celui-ci ne s’engage en tant que mercenaire. Était-il un héros ou un inconscient ? Difficile à dire. Le film porte en lui cette réflexion profonde sur les engagements des journalistes-reporters de guerre, dont certains sont prêts à tout pour révéler leur histoire.

Au final, le plus effrayant et dramatique dans cette histoire, c’est qu’elle est vraie. Et cette réalité, Anja Kofmel l’explique autant qu’elle le peut, même si certaines interrogations resteront sans réponses… Ou plutôt sans preuves concrètes.

Visuels : ©Simon Guy Fässler

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