Cinema
Bye Bye Blondie : le “no future” est-il soluble dans le couple ?

Bye Bye Blondie : le “no future” est-il soluble dans le couple ?

16 March 2012 | PAR Yaël Hirsch

Après avoir adapté son sulfureux “Baise-moi” (2000) Virginie Despentes filme elle-même la version ciné de “Bye Bye Blondie” (Grasset, 2004). Un projet de longue haleine porté par deux fantasmes des années 1980 : Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle. Ceux et celles qui voulaient le trash des photos seront déçus. Mais le poids des mots nostalgiques des années punk demeure. Une épopée amoureuse touchante, sur nos écrans le 21 mars 2012.

Années 1980, la bourgeoise Frances (Clara Ponsot) et la punk Gloria (sublime Soko) se rencontrent dans un hôpital psychiatrique où leurs parents les ont placées. C’est le coup de foudre… Malgré un été passé ensemble, les deux adolescentes sont forcées de se séparer. 30 ans plus tard, Frances (Emmanuelle Béart) est devenue une star de la télé avec une émission littéraire très populaire. Mariée pour l’affiche avec un écrivain respecté (Pascal Greggory) elle continue néanmoins à préférer les femmes. Elle se fait escorter par son chauffeur à Nancy où elle retrouve Gloria (Béatrice Dalle) fidèle à elle-même : refusant de travailler par conviction, elle vivote avec quelques amis également demeurés punk et dort là où elle peut après une énième dispute fracassante avec son mec. Frances est décidée : elle veut emmener Gloria vivre chez elle, et cette fois-ci parvenir à vivre entièrement leur grande histoire d’amour…

Échafaudé en flash-backs entre un présent de reconstruction amoureuse et la nostalgie d’un passé punk bercé de refus et de la musique des Béru, de la souris déglinguée et des Métal Urbain, “Bye Bye Blondie” est porté par ses cinq excellents comédiens. Si l’on ne peut pas vraiment dire qu’il s’agit d’un film au sens noble du terme, les nombreuses maladresses de transpositions et de dialogue n’empêchent pas cet ovni de toucher juste sur le couple et sur l’adolescence. Véritable encyclopédie d’un mouvement punk français et tardif, bourré de références musicales aussi énergiques que passées, “Bye Bye Blondie” se concentre dans la figure double mais sans compromis de Gloria. En Béatrice Dalle bouffie, vernis écaillé et violence intacte, l’auteure a peint avec flamme le fantôme de celle qu’elle aurait pu devenir. Le versant jeune et intransigeant de cette femme intégralement en révolte contre tout le système est interprété avec à propos par la chanteuse (et comédienne) Soko. Cette dernière passe avec grâce de la jolie robe de folkeuse féminine à la crête hirsute et au maquillage outrancier de la punk rebelle. Au cœur de sa formidable BO, “Bye Bye Blondie” inclut une scène qui vaut à elle même le déplacement dans les salles obscures : L’égérie décadente new-yorkaise Lydia Lunch interprétant au Pulp une version anglaise de “Avec le temps” de Léo Ferré.

Tout droit venu des tripes, comme tout ce que Despentes produit, “Bye Bye Blondie” est une œuvre authentique : elle fonctionne, malgré toutes ses béquilles et ses handicaps, et parvient à habiter entièrement le spectateur. A voir… et à écouter.

Bue Bye Blondie, de Virginie Despentes, avec Béatrice Dalle, Emmanuelle Béart, Soko, Clara Ponsot, Pascal Greggory, France, 2010, 1h38. Sortie le 21 mars 2012.

Photo : (c) redstar

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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