Cinema
[BERLINALE, JOUR 2] POPULISTES PARTOUT, ART NULLE PART?

[BERLINALE, JOUR 2] POPULISTES PARTOUT, ART NULLE PART?

11 February 2017 | PAR Samuel Petit

En cette deuxième journée de la Berlinale, trois films ont été présentés : deux films en compétition officielle et le très attendu sequel hors compétition du film de Danny Boyle, T2 Trainspotting. C’est avec une météo radieuse et dans une atmosphère toujours aussi positive s’est globalement déroulée première journée complète de festival, bien que toujours marquée par le climat post-Brexit et élection de Trump.

 

Bien que le président du Jury, au nom de ce dernier, n’a cessé depuis sa nomination d’appeler “à séparer l’art de la politique”, ou en tous cas de ne pas faire de l’actualité la clef principale d’appréciation des oeuvres en compétition, le président américain et son monde sont dans tous les Esprits et sur toutes les lèvres. Le Jury international jugera avant tout les films sur leur qualité et non sur leur pertinence politique.

Il peut en effet être étonnant d’entendre ce genre de positionnement de la Berlinale, festival s’engageant volontiers dans les débats politiques sociétaux contemporains – rappelons-nous du focus sur les destins de réfugiés l’an passé, dont le vainqueur de l’ours d’or Fuoccoamare est sans doute l’exemple le plus parlant. À regarder de plus près, un peu penser qu’il s’agit de faire de Trump la mesure de toutes choses, d’éviter l’indigestion populiste.
Car évidemment le politique ne saurait être absent de ce rendez-vous : le Festival a par exemple annoncé il y a quelques semaines la programmation anticipée de films maghrébins qui ne devaient être présentés que le mois prochain à l’occasion dum Festival du film arabe, et ce en plein débat au Bundestag sur la requalification de la Tunisie et du Maroc comme “pays sûrs”, ce qui devrait compliquer les demandes d’asile provenant de ces pays et faciliter vers eux les reconduites à la frontière pour leurs ressortissants illégaux sur le sol allemand.
Par ailleurs, comme le soulignait hier l’éditorialiste du quotidien berlinois du taz, le cinéma, de par la lourdeur de ses méthodes de production et de diffusion, est un art particulèrement “lent” : Contrairement à Arcade Fire ou Gorillaz qui ont pu chacun sortir un titre sur leurs chaînes YouTube le 8 Novembre dernier, en écho à l’investiture de Trump, des films traitant explicitement des renversements inattendus de ces derniers mois et toujours en cours, pas seulement aux U.S. et dans l’UE mais aussi en Turquie ou en Syrie post-Alep, ne seront sans doute pas diffusés d’ici un an ou deux.

Lire des oeuvres à l’aune des remous de l’actualité est à la fois inévitable – vous avez dû sans doute entendre parler de l’engouement en librairie pour les romans dystopiques des années 30 et 40 anticipant la prise du pouvoir par des forces fachisantes aux Etats-Unis -, sans doute nécessaire, mais aussi extrêmement dangereux car menant à mal interpréter, ici, des films, voire ne plus savoir du tout les apprécier pour les vraies choses que ceux-ci proposent. Des choses tout aussi importantes que Trump, et peut-être même essentielles. Ces choses humaines et autres.

Nos impressions sortent confortées par le programme de la journée. Alors que The Dinner de Oven Moverman avec Richard Gere en tête d’affiche que l’on attendait comme une parabole instructive sur la violence et la névrose intrinsèques de la classe moyenne supérieure et de l’élite (blanche) sur le mode d’un Kammerspiel ne fait qu’ennuyer profondément par son aspect didactique, la première très bonne surprise du Festival vient du magnifique film contemplatif On Body and Soul de la réalisatrice Ildikó Enyedi.

La conférence de presse à l’issue de la projection de ce dernier se différenciait profondément en substance de celles de The Dinner et de T2 Trainspotting au cours desquels les Anglais et Américains ont accumulé les poncifs insurgés sur la situation politique dans leurs pays respectifs. Enyedi, elle, voulait parler de poésie.

Et si la Berlinale nous offrait avant tout la chance de rêver pendant 10 jours ?

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Samuel Petit

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