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“Je Vais Mieux” : Eric Elmosnino dans une adaptation de David Foenkinos par Jean-Pierre Améris  – Rencontre avec le réalisateur

“Je Vais Mieux” : Eric Elmosnino dans une adaptation de David Foenkinos par Jean-Pierre Améris – Rencontre avec le réalisateur

27 May 2018 | PAR Gregory Marouze

Toute La Culture se penche cette semaine sur Je vais mieux de Jean-Pierre Améris. Le cinéaste de Poids Léger, Les Emotifs Anonymes, L’Homme qui rit, Marie Heurtin, adapte librement l’œuvre de David Foenkinos. Soutenu par Eric Elmosnino, Ary Abittan, Judith El Zein, Alice Pol et François Berléand, Je vais mieux est une nouvelle occasion pour Améris de livrer une comédie décalée, et personnelle. Critique du film et rencontre avec Jean-Pierre Améris.

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Jean-Pierre Améris : un cinéaste avec des obsessions

Jean-Pierre Améris est un cas tout à fait particulier et passionnant dans le paysage cinématographique français. Voilà un réalisateur (on dira cinéaste : il a de vraies obsessions) qui aime naviguer d’un genre à un autre – comédie, drame, films à costumes, fable, … – pour s’exprimer pleinement, se raconter en creux, avec élégance, sans jamais laisser le spectateur sur le bord de la route.

Les Emotifs Anonymes, comédie tendre était quasi autobiographique. L’Homme qui rit, adapté du roman de Victor Hugo, une vieille envie pour le cinéaste d’adapter une œuvre qu’il vénère et dans laquelle il se reconnaît. Une famille à louer présentait un homme timide et intraverti. On pourrait poursuivre la liste des films d’Améris : à chaque fois, on y découvre des personnages en souffrance, sortant du cadre d’une Société formatée, qui ont du mal à s’intégrer, se faire accepter. Mais qui, tels Don Quichotte, ne renoncent pas !

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C’est aussi ce que raconte Je vais mieux (librement adapté de David Foenkinos) : l’histoire d’un homme foudroyé par un mal de dos abominable. C’est Eric Elmosnino (Gainsbourg, (Vie héroïque)) – impeccable comme toujours – qui incarne Laurent, la victime d’une souffrance physique, mais surtout psychologique.

Je vais mieux commence par un générique étonnant (on pense au travail du designer graphique Saul Bass) qui nous plonge d’emblée dans l’univers et le ton de ce film singulier.

Une description de notre Société entre comédie et fable fantastique

L’air de ne pas y toucher, Jean-Pierre Améris se raconte, et nous raconte. A travers le portrait de cet homme qui en a littéralement « plein le dos », c’est à une description fine et drôle de notre Société à laquelle il se livre.

Naviguant entre comédie et fable fantastique – Améris s’amuse à faire basculer ses acteurs dans un absurde que n’aurait pas renié Kafka : la scène entre Eric Elmosnino et Sacha Bourdo est délirante -, ne sacrifiant jamais la forme au fond, et inversement, Je vais mieux est une belle surprise qui prouve qu’on peut encore proposer un cinéma français sortant des sentiers battus.

Grégory Marouzé

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Deux questions à Jean-Pierre Améris :

Toute La Culture : Pourquoi traiter à travers cette adaptation du livre de David Foenkinos, du mal de dos qu’on appelle le mal du siècle ?

Jean-Pierre Améris : « La première raison pour laquelle j’ai eu l’envie d’adapter cette histoire, c’est que moi, comme le héros, je souffre du dos depuis l’adolescence. C’est un mal récurent chez moi, c’est une lombalgie chronique. Et je sais très bien de quoi ça vient. Ça vient du fait que je me tiens très mal à cause de ma grande taille. J’essaie toujours de me mettre à la hauteur des gens. Donc, je suis tout le temps tordu. Mais je sais aussi que c’est très lié au stress, à l’angoisse, comme je suis très anxieux. Et que ça se porte sur le dos (…). Mais comme beaucoup de gens. On dit que 80% des français ont eu ou auront mal au dos. On sait aujourd’hui qu’il y a des raisons physiologiques mais aussi psychologiques. Comme pour moi la comédie c’est quand même parler de mon expérience, c’était l’occasion rêver de raconter ça. A quoi j’ai mal, mais aussi à quoi on a tous mal ! Au travers du mal de dos (c’est la belle idée de David Foenkinos), c’est vraiment de parler de à quoi on a mal ! Est-ce qu’on a mal au travail, au couple, à la famille, aux parents qui vieillissent auxquels on n’a jamais parlé, aux enfants qui grandissent et qui quittent la maison ? »

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Toute La Culture : Swann Arlaud, que vous avez dirigé dans La Joie de Vivre (d’après Emile Zola), nous a parlé de cette notion de « petits mondes » qu’il y a dans votre cinéma. Pourquoi ces « petits mondes » ?

Jean-Pierre Améris : « C’est lié à mon amour du cinéma. Tout le cinéma que j’ai découvert avec passion et boulimie quand j’avais douze, treize et quatorze ans, c’était ce sentiment d’être à l’abri dans la salle de cinéma. Moi qui était vraiment mal à l’aise dans la Société, à l’école, je n’avais pas de petite copine. On le voit dans Les Emotifs Anonymes, j’étais vraiment bloqué, inhibé. Et j’ai trouvé un refuge dans la salle de cinéma. Je n’étais bien que là. Et c’est quelque chose qui continue, je trouve que la salle de cinéma est un cocon. C’est jouissif quand même cette lumière qui s’éteint, on ne vous voit plus. Et j’ai toujours aimé les films où on a le sentiment de pénétrer dans un monde. Ce n’est plus la vie : on pénètre dans un monde. Et même en matière de cinéma, j’ai toujours aimé les films qui commencent par une entrée au travers des grilles comme dans Citizen Kane, Fellini, ou Tim Burton. On sent qu’on rentre dans un monde. On met le monde réel derrière soi et on entre dans un monde. (…) J’essaie de créer ce petit monde décalé où on est à la fois à l’abri, et où en même temps les choses sont vraies. Quand je préparais Je vais mieux, j’avais les dessins de Sempé comme référence, avec ces petits bonhommes qu’on voit dans les bureaux des gratte-ciels de New-York ou au bord d’une falaise, avec sa petite douleur mais qui a besoin d’exister. Tout petit dans l’Univers. Et les récits de Kafka, qui est mon auteur préféré. Dans la Métamorphose, ce garçon qui se retrouve en personnage cloporte, finalement on peut dire que c’est quasiment le mal de dos. C’est l’impuissance humaine. »

Je vais Mieux de Jean-Pierre Améris

D’après l’œuvre de David Foenkinos

Avec Eric Elmosnino, Ary Abittan, Judith El Zein et Alice Pol, avec la participation de François Berléand, …

Durée 1H26

Sortie le 30 mai 2018

Visuels © 2018 EUROPACORP – FRANCE 3 CINEMA – EUROPACORP TELEVISION – Tous droits réservés.

Entretien réalisé à Lille. Remerciements Arras Film Festival et  UGC Ciné Cité Lille.

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Gregory Marouze
Cinéphile acharné ouvert à tous les cinémas, genres, nationalités et époques. Journaliste et critique de cinéma (émission TV Ci Né Ma - L'Agence Ciné, Revus et Corrigés, Lille La Nuit.Com, ...), programmation et animation de ciné-clubs à Lille et Arras (Mes Films de Chevet, La Class' Ciné) avec l'association Plan Séquence, Animateur de débats et masterclass (Arras Film Festival, Poitiers Film Festival, divers cinémas), formateur. Membre du Syndicat Français de la Critique de Cinéma, juré du Prix du Premier Long-Métrage français et étranger des Prix de la Critique 2019, réalisateur du documentaire "Alain Corneau, du noir au bleu" (production Les Films du Cyclope, Studio Canal, Ciné +)

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