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« Une famille syrienne », la claque cinématographique de Philippe Van Leeuw

« Une famille syrienne », la claque cinématographique de Philippe Van Leeuw

05 September 2017 | PAR Sylvain Lefèvre

[rating=4]

Vues de la fenêtre, parmi les gravats, couvertes de poussière, c’est à peine si on les distingue. Le reste du corps est dissimulé par la carcasse d’une voiture. Ces jambes, ce sont celles de Samir, le mari de Halima et le père de son bébé. Sa route leur exil salvateur a croisé celle d’un sniper. Bienvenue à Damas dans l’appartement de Oum Yazan et de sa famille, bienvenue dans la guerre en Syrie. Bienvenue dans un huis-clos haletant. Dans la salle, le public a retenu son souffle à plus d’une reprise. Lors de l’irruption glaçante des hommes dans cet appartement de femmes, les mains se sont crispées sur les accoudoirs. Les applaudissements nourris ont autant salué la qualité que servi d’exutoire.

Véritable ballet, le film de Philippe Van Leeuw est une vraie réussite. Dans le rôle de la danseuse étoile, Oum Yazan magnifiquement incarnée par Hiam Abbass et dont l’interprétation a été saluée par le festival avec le Valois de la meilleure actrice. Au sein de cet appartement bringuebalé par la guerre, devenu scène ou peut-être cène, les chorégraphies se succèdent. Il y a celle de Delhani, la servante – magnifique Juliette Navis -, celle de Mme Halima – Diamand Bou Abboud, la révélation -, et celle du reste de la famille. Une remarquable succession de seconds rôles autour de la maîtresse de maison qui nous révèle tour à tour chacune des facettes de cette matriarche autant louve que parangon d’abnégation sans jamais tomber dans le pathos ou le grossier.

Danse avec la mort

Jeux psychologiques, inversion des rôles, moments de grâce ou d’effroi, Philippe Van Leeuw a su réunir quelques uns des fins ingrédients qui font les grandes réussites. Servi par une photographie naturelle et discrète mais d’une remarquable efficacité, il transforme cet appartement en une sarabande d’angoisses et de sacrifices, de sentiments humains et de tragédie avec une réelle maestria. Rares sont les réalisateurs capables de restituer avec tant de talents les résignations et la générosité du matriarcat en temps de guerre.

Invitation à l’introspection

Certes, de Damas on ne saura rien. D’Oum on devinera juste qu’elle est palestinienne, que dehors son mari se bat. La Syrie déchirée se résumera à un parking jonché de gravats. Mais Sarajevo, Beyrouth ou Mogadiscio, qu’importe. La guerre et son cortège sont les mêmes partout pour les civils, là n’est pas le propos du film. En nous immisçant dans cette famille, c’est à un voyage dans la guerre d’un genre inédit que le film nous invite. En nous ouvrant les portes de cette intimité guidée par l’instinct de survie, il nous interroge sur nous-mêmes, sur ce que nous ferions nous à leur place. Certes, par-delà la fenêtre ou au bout d’un téléphone portable capricieux, ils sont nombreux à souffrir mais la famille d’Oum se suffit à elle-même pour restituer l’éternelle tragédie guerrière et nous offrir une œuvre d’une très grande qualité à la superbe distribution.

Vu au FFA d’Angoulême / Critique « Une famille syrienne » / Sortie le 06 Septembre

Visuel : Affiche

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Sylvain Lefèvre

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