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“Timbuktu” – Ombres et lumières au nord

“Timbuktu” – Ombres et lumières au nord

29 November 2014 | PAR Melissa Chemam


Présenté en ouverture du festival Maghreb des Films, lancé à Paris le 24 novembre, ‘Timbuktu’ d’Abderrahmane Sissako, très repéré à Cannes, rend un vibrant hommage à l’esprit des résistances des Maliens du nord du pays, dont le quotidien a basculé avec l’invasion djihadiste en 2012, sans même évoquer la géographie de son film, hymne universaliste à la tolérance muni d’une puissante photographie. L’un des plus attendus du cru Cannes 2014, sur les écrans français le 10 décembre prochain.

Il y a beaucoup d’amour dans le regard de Sissako sur ses personnages et une magnifique lumière. Il y a même quelques touches d’humour, malgré le contexte sévère voire tragique de la rébellion djihadiste qui s’étend dans le nord du Sahel. Il y parvient par quelques choix très simples de réalisateurs : des histoires universelles entre un père, une mère et leur fille, le déroulé paisible des journées au bord du fleuve de cette famille d’éleveurs, les rues d’une ville mythique qui essaie de survivre malgré la catastrophe.

La musique vient ensuite soutenir cette photographie chiadée, celle composée par Amine Bouhafa pour Abderrahmane Sissako. Et puis le film trouve ses points les plus forts dans des moments de poésie pure, qui sortent la situation malienne du temps présent, comme celle de ces jeunes qui jouent, sans balle – le sport étant interdit par les djihadistes, et courent sur ce terrain soulevant poussière et enthousiasme pour braver l’interdit tout en prônant la vie.

Le quotidien bouleversé des habitants de la ville, Tombouctou l’éternelle, prend alors forme dans des tentatives de survie, autour de thème profond, traité avec incarnation : celui de la justice, après que les djihadistes décident de condamner à mort Kidane qui a tué le pêcheur Amadou après une dispute autour de la mort de la génisse de sa fille sous le javelot du pêcheur… Œil pour œil, dent pour dent, voilà la nouvelle justice de ces fous d’extrémisme religieux. Le thème de la faute est également très présent, et les membres de cette police islamiste passent ainsi leur temps à chasser dans la nuit du désert les pourfendeurs de l’interdiction de jouer de la musique, jusqu’aux portes des mosquées, pourtant parmi les plus vieilles et les plus pieuses d’Afrique de l’Ouest… Et puis l’amour et le mariage vont devoir aussi être redéfinis en ces temps obscurs… Les djihadistes, eux, ne manquent pas d’occasion de remise en question non plus, perdus dans leur dessein trop grand pour eux, sans pitié mais trahis par leurs propres faiblesses…

Passant ainsi de moments très doux, presque ’hors du temps, à une irruption de violence ponctuelle, brève mais quasi insoutenable, le film prend le spectateur au cœur et au corps. Le tout forme un plaidoyer fort pour la tolérance.

‘Timbuktu’ est le premier film du Mauritanien Abderrahmane Sissako présent en compétition à Cannes. Il sera également présenté aux Oscars aux Etats-Unis début 2015 en compétition pour la statuette de meilleur film étranger. Saluons particulièrement le travail de son chef opérateur, Sofian El Fani, qui a créé une image intemporelle et sublime ! Un grand moment de cinéma.

Alors que le film sort le 10 décembre, le Festival Maghreb des films se poursuit lui jusqu’au 18, dans plusieurs cinémas parisiens et franciliens, dont bien sûr l’Institut du Monde Arabe et cette année le Louxor, Paris 10ème. Cette édition fait une part de choix au cinéma algérien et à la représentation du quartier de la Goutte d’Or, longtemps passerelle entre le Maghreb et la France… justement face au fameux Louxor.

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Melissa Chemam

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