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Reprise: “Cinq Pièces Faciles” le premier grand rôle de Jack Nicholson !

Reprise: “Cinq Pièces Faciles” le premier grand rôle de Jack Nicholson !

19 September 2016 | PAR Gregory Marouze

Toute La Culture aborde chaque semaine les nouvelles sorties ciné; mais n’oublie pas pour autant les reprises des grands ou petits classiques du 7ème Art. Aussi, nous revenons cette semaine sur un bijou de Bob Rafelson.  Cinq Pièces Faciles est le premier rôle principal d’importance de Jack Nicholson au cinéma – une nomination à l’Oscar pour son interprétation -. Il s’agit également de sa première collaboration avec Rafelson (quatre autres suivront), précurseur du Nouvel Hollywood. Cinq Pièces Faciles est un grand film sur une Amérique et une génération désenchantées. Toute La Culture vous en dit plus…

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Bob Rafelson n’est sans doute pas le réalisateur le plus célèbre du Nouvel Hollywood. Quand on pense à cette génération de cinéastes des années 70, les noms de Coppola, Scorsese, Spielberg, Cimino, Dennis Hopper, Hashby, De Palma, viennent en premier.

Pourtant, Rafelson est un réalisateur de première importance qui a su – tout autant que ses confrères – décrire anti-héros, paumés, losers magnifiques des Etats-Unis.

Peu importe que les films de Rafelson se déroulent dans les années 70 (The King of Marvin Gardens, également avec Nicholson) ou durant les années 30/40 (son remake du Facteur sonne toujours deux fois, toujours avec Nicholson) ! Le cinéaste filme toujours avec une précision quasi chirurgicale les grandeurs, bassesses et déchéances de l’Amérique des petites gens ou de la Middle Class.

1970 : les Etats-Unis s’embourbent depuis sept ans dans une guerre du Vietnam qui ne s’achèvera qu’en 1975. 1970, c’est l’année de réalisation de Cinq Pièces Faciles – titre donné en référence au manuel d’exercices de piano qu’utilisait enfant le personnage de Nicholson, Robert Dupea.-

A sa sortie, le 12 septembre 1970, Cinq Pièces Faciles rencontre le succès et marque indiscutablement les esprits. Pourquoi ? On peut émettre l’hypothèse que le film frappe car il n’emprunte pas les sentiers balisés du script américain classique. Bien sûr, Cinq Pièces faciles contient un scénario, une histoire. Mais on a davantage l’impression de suivre les errances de personnages qui ne savent plus très bien à quel milieu ils appartiennent (Robert Dupea, pourtant issu d’une famille de musiciens, pianiste lui-même, doit exercer le métier de foreur pétrolier), en lutte contre eux-mêmes, et dont les rêves semblent s’être évanouis. Cinq Pièces Faciles est le film désenchanté d’une génération en plein désenchantement.

S’il laisse entrevoir lors de deux-trois scènes les outrances géniales qui marqueront sa carrière par la suite, Nicholson incarne la plupart du temps son personnage avec beaucoup de modestie et de pudeur.

Cinq Pièces Faciles, ce sont – on l’a dit – ces exercices de piano pour musiciens débutants. Mais le titre peut aussi faire allusion aux tranches de vies que raconte le film de Rafelson.

Il n’y a pas de scènes impressionnantes dans Cinq Pièces Faciles. Le film ne contient pas d’enjeux dramatiques très forts. Pourtant, on ne s’y ennuie jamais. Mieux, on est hypnotisé par le rythme volontairement lancinant du film, son refus des conventions, sa capacité à ne jamais laisser deviner le destin de ses personnages. D’ailleurs, peut-être qu’ils s’en fichent de leur destin, les personnages de Rafelson. Car dans leur for intérieur, ils ont perdu espoir en un futur et un ailleurs.

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Robert Dupea, en révolte perpétuelle contre lui-même et son entourage, fait exception. Il est l’artiste qui ne se résout pas à vivre dans un monde dénué de beauté. Alors il s’agite (beaucoup dans le vide), passe pour un inadapté social, envoie promener ses employeurs, se bat avec des flics, aboie sur un chien, …  Rayette Dipesto, sa femme, – interprétée par l’attachante autant que bouleversante Karen Black – fait elle aussi exception. Elle court après l’amour de son époux (qui la maltraite). Cette force de vie explique que ce couple, qui se déchire, ne peut se résoudre à la séparation. L’électroencéphalogramme n’est pas encore plat.

Cinq Pièces Faciles est indéniablement marqué par le sceau des années 70. Cette œuvre semble pourtant bien actuelle tant les époques se suivent et se ressemblent. Les laissés pour compte le sont plus que jamais, les rêves des enfants s’évanouissent pour laisser place aux réalités cruelles du monde des adultes.

Alternant instants dramatiques et comiques, scènes de ménage (dignes d’un film de Bergman) à des moments de dingueries surréalistes – Nicholson montant à l’arrière d’un camion pour jouer du piano, l’un des moments forts du film -, Cinq Pièces Faciles est un fleuron du cinéma américain. L’œuvre d’un cinéaste qui avait à cœur d’inventer un nouveau cinéma, conscient des difficultés de ses contemporains et de ses spectateurs.

Grégory Marouzé

Synopsis : Un jeune fils de bonne famille, musicien au grand avenir, a renoncé à sa carrière pour devenir ouvrier et épouser une serveuse de bar. Il retourne au foyer voir son père malade, vit une brève aventure avec la petite amie de son frère et finit par tout abandonner en partant sur la route.

Cinq Pièces Faciles (Five Easy Pieces – 1970) de Bob Rafelson

Avec: Jack Nicholson, Karen Black, Billy Green Bush, Sally Struthers, Fannie Flagg

Studio: Sony

Sortie le 21 septembre 2016

Durée: 98 minutes

Visuels: © Sony Pictures / Park Circus

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Gregory Marouze
Cinéphile acharné ouvert à tous les cinémas, genres, nationalités et époques. Journaliste et critique de cinéma (émission TV Ci Né Ma - L'Agence Ciné, Revus et Corrigés, Lille La Nuit.Com, ...), programmation et animation de ciné-clubs à Lille et Arras (Mes Films de Chevet, La Class' Ciné) avec l'association Plan Séquence, Animateur de débats et masterclass (Arras Film Festival, Poitiers Film Festival, divers cinémas), formateur. Membre du Syndicat Français de la Critique de Cinéma, juré du Prix du Premier Long-Métrage français et étranger des Prix de la Critique 2019, réalisateur du documentaire "Alain Corneau, du noir au bleu" (production Les Films du Cyclope, Studio Canal, Ciné +)

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