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[Critique] Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 : Une suite copieuse qui laisse sur sa faim

[Critique] Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 : Une suite copieuse qui laisse sur sa faim

24 April 2017 | PAR Joanna Wadel

Nous les avions laissés à bord de leur nouveau vaisseau, prêts à retourner la galaxie ; on les retrouve en proie aux assauts d’une pieuvre gluante de l’espace sur du Electric Light Orchestra. Les Gardiens de la Galaxie, l’équipe de bras cassés la plus cool qui soit, revient près de trois ans après l’incontournable premier volet de leurs aventures qui reste l’un des plus gros succès de Marvel au cinéma. Et si cette suite orchestrée par James Gunn ne laisse aucun répit, elle nous vend un festival orgiaque de gags, de vannes et de paraphrases ultra rodées, des mécanismes en surchauffe pour un résultat hélas mitigé. Explications, sans spoiler !

[rating=3]

Tout le monde rongeait son frein en attendant leur retour. Trois ans après le succès des Gardiens de la Galaxie, l’un des piliers de Marvel Studios, le moins que l’on puisse dire c’est que le deuxième volume des péripéties de cette équipe d’anti-héros uniques en leur genre était guetté de près. En 2014, le Space opera avait battus des records au box-office et surtout ouvert la voie à une nouvelle forme d’humour décalé misant sur une bonne dose de Pop Culture, la loose assumée et l’excentricité de ses personnages. Un pari risqué pour la nouvelle franchise de Disney qui se contentait jusqu’alors d’un ton peu subversif et assez consensuel, et qui aura sans doute permis au projet Deadpool d’aboutir deux ans plus tard. Il suffit de regarder autour de soi pour constater l’ampleur du phénomène : la bande-son iconique des Gardiens, le fameux “ Awsome Mix Volume 1“, un grand cru constitué de titres légendaires de la pop rock ; le cultissime « Hooked on a feeling » ouvrant le bal puis « Moonage Dream » du regretté David Bowie ou encore « Escape » faisaient partie du lot, s’est téléchargée à foison, donnant des idées aux scénaristes de Suicide Squad qui en 2016 garniront leur film des mêmes ingrédients, et pourtant, le morceau « House of the Rising Sun » et Queen n’auront pas suffit à faire l’unanimité. La reconnaissance du personnage de Chris Pratt dans le rôle de l’incorrigible Star-Lord fût telle, qu’il reprit les mêmes bases de jeu pour camper le dresseur de raptors dans Jurassic World. Ce savant cocktail de dérision, bagou et nonchalance décontractée contrastait avec une action explosive, une déferlante de combats intergalactiques entre vaisseaux, guerres de planètes et de territoires avec des méchants aussi hauts en couleur que surpuissants comme Thanos. Le tout saupoudré d’une énergie féroce, dosant l’émotion et la moquerie avec génie. Une audace rafraîchissante que l’on attendait plus.

La barre était donc placée très haut et Disney l’avait bien compris, truffant ses teasers d’extraits qui en plus de spoiler beaucoup de blagues, laissaient présager d’un surdosage d’humour et d’une instrumentalisation de toutes les ficelles du premier film. Mais compte-tenu du tour de force inespéré des Gardiens de la Galaxie, qui malgré leur packaging étudié de près pour un engouement du public quasi-assuré avait réussi à paraître indépendant, comme une petite pépite d’action et de fantaisie difficile à reproduire, nous étions en droit d’espérer le contraire. Contrairement au précédent scénario, celui-ci avait été annoncé comme davantage focalisé sur l’histoire du personnage de Star-Lord qui a perdu sa mère sur Terre, emportée par un cancer, avant d’être enlevé par les chasseurs de prime crasseux de Yondu. D’emblée, on savait que l’enjeu de ce deuxième film résiderait en partie dans la quête de Peter Quill pour renouer avec ses racines, d’autant plus que la présence de son illustre paternel, un corps céleste personnifié du nom de Ego (ça ne s’invente pas), était prévue au casting en la personne de Kurt Russel. Le célèbre interprète de Bonanza n’était pas le seul monument annoncé dans la distribution puisque la présence de Sylvester Stallone avait été confirmée dans le rôle de Stakar, prenant ainsi la relève de Benicio Del Toro et Glenn Close.

Synopsis

Après une première scène terrestre, séduisante de légèreté, présentant de jolis plans d’ensemble sur une campagne verdoyante et montrant les parents de Peter Quill dans les années 1980 s’ébattre dans des bois bucoliques près d’une mystérieuse plante de l’espace, le film s’autorise une ouverture en grande pompe avec une immersion ambitieuse dans un combat houleux entre la fine équipe et une monstrueuse créature à tentacules. Il n’en fallait pas moins pour que Baby-Groot, l’arbre parlant dernier de son espèce transformé en jeune pousse dans la lutte finale des Gardiens contre Ronan, branche -c’est le cas de le dire- la sono et se trémousse sur «Mr Blue Sky», laissant ses petits camarades se dépêtrer avec leur imposante cible. Écumant le cosmos avec fracas, les Gardiens devront faire fasse à de nouveaux ennemis, qu’ils n’ont aucune peine à se faire, et dépasser leurs préconçus pour prouver -à nouveau- que l’union fait force. 

La face B de la cassette s’enraye t’elle ? Un achalandage immodéré

Difficile d’ignorer l’avalanche de fan service qui s’abat sur le spectateur d’entrée de jeu. Une redondance qui plus est prévisible, puisque la totalité des dialogues censés faire réagir le public dans les premières dizaines de minutes avait été dévoilée par la bande-annonce et le trailer du film. Le risque de succomber à la tentation de faire recette et de préférer la sécurité à l’innovation était grand bien que compréhensible. Seulement, James Gunn qui promettait à ses fans d’en faire deux fois plus est tombé dans l’écueil de l’abus et s’est pris les pieds dans son imposant cahier des charges, quitte à corrompre l’impression de spontanéité qui se dégageait de l’effet de ridicule, des gaffes, des ratages et autres savoureux défauts de ses délirants héros. Peu importe que ce fût réglé comme du papier à mLes Gardiens de la Galaxie Vol.2usique, contrôlé de fond en comble, du moment que l’illusion de la surprise se maintenait. Ici, malgré le charme toujours effectif du duo Groot-Rocket, et des railleries de l’équipe, tout ce qui faisait le sel du premier film semble manufacturé, chaque plaisanterie est filée à outrance jusqu’à épuisement. De scènes en scènes, le réalisateur se cite, reprenant tout ce qui a marché : la maladresse de Groot, le rire gras hébété de Drax, la lourdeur de Quill, même la tendance de Rocket à dérober les membres bioniques de ses adversaires pour s’en moquer… Et le décuple, multipliant les blagues à la minute. Le spectateur, même fan, a de quoi se sentir piégé, contraint de rire ou de s’émouvoir lorsqu’on le lui dicte. Pourtant, un tel racolage si plein de bonne volonté soit-il n’était pas nécessaire, l’intérêt de la franchise étant justement que les personnages se suffisent à eux-même. Nulle besoin de pantomime, ils sont déjà caricaturaux et contiennent les ingrédients nécessaires pour que la sauce prenne. La finesse de l’hilarité du premier volet le prouvait, la modération de certains moments permettait d’apprécier encore davantage les sorties désopilantes et d’en renforcer l’ironie. D’ailleurs, en plus d’être inutiles, les efforts du film pour se rendre poilant à tous prix restent vains la plupart du temps et cette obstination devient même contre-productive : l’efficacité des bons moments (qui généralement sont ceux qui font preuve d’originalité, coïncidence) se trouve altérée par l’abondance de jokes souvent d’une teneur discutable. GOTG2 bascule ainsi dans l’humour gras, une bêtise pré-pubère (sans être pudibonds, répéter scrotum ou tétons, même plusieurs fois n’a rien de tordant) que l’immaturité de certains héros ne parvient pas à justifier (la lunaire Mantis tient plus de l’ado bourrée que de la candide ultra-sensible). Si l’on entend que le zèle de James Gunn était destiné à satisfaire les fans et à leur en mettre plein la vue avec une débauche d’effets spéciaux, de titres cultes (qui accompagnent chaque passage et empiètent sur la bande-son), d’action et de comédie, on ne peut que regretter que le film pâtisse de cette générosité, croulant sous les clins d’œils peu discrets et les pitreries faciles.

Un très bon Marvel au punch intact

Mais pas de panique, Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 est curieusement loin d’être un fiasco et reste, grâce à ses excellents personnages et son univers foisonnant et déjanté, le Marvel le plus sympa et/car le moins sérieux de tous. Sans compter Deadpool. Paradoxalement, sa plus grande qualité est de distraire avec un scénario relativement dense qui réserve quelques bonnes surprises et des revers bien amenés, lorsqu’on ne s’y attend pas. On ne peut nier que le film regorge d’aventure, de spectacle et d’essais visuellement bluffants, dont un micro clin d’œil à La mort aux trousses d’Hitchcock. Bien que, fond vert constant et live-action obligent, certains décors et maquillages se démarquent plus qu’auparavant. La diversité de l’univers est plus évidente à percevoir grâce à la richesse de nouveaux paysages dont une nouvelle planète à explorer, alternant plaines désertiques, grottes, bois sombres et des passages édulcorés (dont une scène loufoque à rallonge), avec davantage d’affrontements et de voyages spatiaux.

Les Gardiens de la Galaxie Vol.2Cependant, quelques bémols sont encore à déplorer, comme le manque d’expressivité de personnages secondaires ; Nebula (Karen Gillan), qui malgré le fait d’être promue au premier plan ne transcende pas et plombe nombre de ses apparitions avec son faux air ténébreux censé contraster avec la verve de l’équipe. Ou plus problématique, Mantis (Pom Klementieff), la nouvelle recrue trop ahurie pour attendrir et la reine Ayesha (Elizabeth Debicki), despote dorée d’un peuple mégalo qui peine à convaincre. Il faut dire que leurs interactions, représentatives de l’excès général ne sont pas pour aider, ce qui est fort dommage puisqu’elles ne manquent pas d’intérêt.

Mais qu’on se le dise, le manque de pondération du film ne réussira pas à le rendre dispensable, surtout pour les nombreux adeptes du précédent. Et si GOTG2 manque l’occasion de convaincre un public aussi large qu’à l’été 2014, le blockbuster parvient miraculeusement à rester sincère et se trouve même être une bonne suite, car complète, sensée et plus que fidèle à l’esprit potache du comics, toujours dotée d’une playlist intemporelle. James Gunn peut donc se targuer d’avoir remporté son pari en premier lieu, trouvant la formule magique qui repose en grande partie sur ses personnages, qu’il a su rendre aussi insolites qu’authentiques et qui lui sauvent littéralement la mise. Sans eux, son deuxième film ne serait qu’une fable artificieuse et fantasque, équivalent filmique du plat copieux qui laisse sur faim. Car après coup, il faut avouer que le plaisir de les retrouver (parce qu’on les adore) l’emporte sur la part de déception qu’on peut éprouver en voyant l’énergie du film délayée dans ce magma gaguesque, parfois indigeste.

Scènes post-générique

Décidément, s’il fallait une énième preuve que James Gunn et son équipe ont vu triple, voire quintuple pour ce deuxième chapitre, ce n’est pas deux ou trois mais bien cinq scènes post-génériques qui vous attendent en fin de métrage. La question est : que valent-elles et qu’y voit-on ? Sans en dévoiler les détails, précisons d’abord que la plupart relèvent en réalité davantage du bonus que de vrais scoops. Pour ceux qui espèrent y découvrir de croustillants indices quant aux prochains films de la phase III de Marvel, Thor : Ragnarok ou Avengers Infinity War, sachez d’emblée qu’elles concernent exclusivement les Gardiens de la Galaxie, et que la plus révélatrice des cinq laisse présager d’un important détail du scénario du prochain film, comme l’intervention d’un personnage clé de l’univers des Gardiens (mais pas seulement). Une autre, plus légère et plaisante, ravira les fans de l’un des membres les plus populaires de l’équipe.

Une chose est certaine : il y aura bien un 3 et il promet d’être riche en action, développant l’univers des Gardiens de la Galaxie, terreau fertile à l’extension de la phase III de Marvel. Espérons seulement que James Gunn n’ait plus la main lourde, ce qui risquerait de lasser.

Visuels : Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 – © The Walt Disney Company France – © Marvel Studios

Les Gardiens de la Galaxie Vol.2, le 26 avril 2017 au cinéma avec Chris Pratt (Star-Lord), et Zoe Saldana (Gamora)

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Joanna Wadel

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