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[Interview] Joshua Z Weinstein pour son très beau “Brooklyn Yiddish”

[Interview] Joshua Z Weinstein pour son très beau “Brooklyn Yiddish”

27 October 2017 | PAR Olivia Leboyer

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Découvert au Festival du film américain de Deauville, où il a reçu le Prix du Jury, Brooklyn Yiddish nous a vivement touché (voir notre critique) : Menashé Lustig, magasinier à Brookyn, demande au rabbin de sa communauté 8 jours pour passer du temps avec son fils de dix ans. Veuf, il n’a en effet pas le droit de s’occuper de son enfant, selon les règles strictes de la communauté hassidique, qui exige qu’un homme soit marié pour élever un enfant. Nous avons rencontré le jeune réalisateur Joshua Z Weinstein lors de son passage à Paris. Brooklyn Yiddish est sorti mercredi 25 octobre, ne le manquez pas.

Brooklyn Yiddish nous immerge au sein de la communauté hassidique : les acteurs parlent yiddish tout du long, ce n’est pas habituel, comment avez-vous procédé ?

Joshua Z Weinstein : Il fallait trouver des acteurs parlant le yiddish. En effet, cela n’a pas été évident. Et surtout pour le jeune garçon, j’ai eu un mal fou, c’était presque décourageant. Aux Etats-Unis, dans la communauté hassidique, aucune mère ne permettrait à son enfant de faire du cinéma. Le jeune Ruben Niborski est Français et vit en Israël. Je suis très heureux de cette rencontre. Je ne parle pas moi-même le yiddish, j’ai donc dû diriger les acteurs en leur parlant anglais. Je suis Juif, cela fait partie de mon identité, mais je ne suis pas pratiquant et je n’avais pas de lien avec la communauté hassidique, très particulière. Je me suis immergé dans ce milieu hassidique, car cela m’intéressait de le comprendre, de le décrire, dans ses ambivalences. Sur le tournage, j’imaginais ma grand-mère, aujourd’hui décédée, en train de me parler et de m’encourager.

Oui, Ruben Niborski est merveilleux. Menashé Lustig, qui incarne ce père empêtré dans sa maladresse et ses kilos, est remarquable aussi. Le film est inspiré de sa vie ?

Joshua Z Weinstein : Oui, lorsque j’ai rencontré Menashé, il m’a raconté sa vie, et la difficulté qu’il avait à voir son fils. Il y a avait chez lui une grande mélancolie, et beaucoup de tendresse. Aujourd’hui, pour lui, la situation n’a pas tellement évolué.

En allemand, « lustig » veut dire « amusant », « comique ». Ce nom va bien à Menashé, un homme triste, mais qui essaie, constamment, de faire rire son fils, par des grimaces, des jeux de mots. Menashé Lustig, c’est son vrai nom ?

Joshua Z Weinstein : Non, c’est un pseudonyme, le prénom comme le nom. Je ne connaissais pas la signification de « lustig », en effet il a dû choisir ce nom exprès.

La scène d’ouverture et la scène finale du film se répondent : Menashé qui marche dans la rue, au milieu des passants. Entre les deux, quelque chose s’est produit.

Joshua Z Weinstein : Oui, il n’y a rien de spectaculaire dans l’itinéraire de Menashé. C’est l’histoire simple d’un homme fatigué, corseté depuis toujours par des règles très strictes, celles de sa communauté hassidique, et qui tente, en quelques jours, de retrouver un peu d’air, un peu d’autonomie. Il demande huit jours au rabbin pour apprendre à mieux connaître son jeune fils. Il leur faut s’apprivoiser. Entre le début et la fin, Menashé a entrepris un chemin pour s’en sortir, mais les choses demeurent assez bloquées.

C’est votre premier film de fiction, après des documentaires. Quels sont vos projets ?

Joshua Z Weinstein : Je songe à un autre film de fiction, et toujours en explorant une communauté, un groupe. Cette forme me plaît, elle permet beaucoup de liberté. J’aime les mélanges de genres : ici, à Paris, les rues me font pener à Jean-Luc Godard. J’ai tellement aimé Pierrot le fou ! C’est un film très personnel, avec des collages, une très grande liberté. J’adore aussi la photographie. Je prends beaucoup de photos, pour moi, pour l’instant (il me montre une photo d’une femme assise au Flore, un serveur pressé se reflétant dans la vitre ; puis une autre de son ombre dans une rue de Paris en fin de journée). J’étais frustré, j’ai essayé deux fois d’aller au Musée de la Photographie, mais c’est toujours fermé !

Mon prochain film, j’aimerais le centrer sur les Américains qui ont voté pour Donald Trump. Car ce sont des gens très différents de moi. A priori, je ne les comprends pas. J’aimerais les écouter, entendre leurs raisons, essayer de comprendre leur cheminement.

visuels: affiche et photo officielles du film.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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