A l'affiche
[Festival du film colombien] “Epifania” Oscar Ruiz Navia filme les boucles du temps

[Festival du film colombien] “Epifania” Oscar Ruiz Navia filme les boucles du temps

16 October 2017 | PAR Olivia Leboyer

epifania

Ce mois d’octobre 2017, Paris met la Colombie à l’honneur. Colloques, expositions, festivals : au Festival du cinéma d’Amérique latine de Biarritz, le mois dernier, nous avions entendu parler d’Epifania, d’Oscar Ruiz Navia, présenté dans le cadre de la section « Focus Colombie, l’effet génération ». Entre La defensa del dragon de Natalia Santa et La mujer del animal de Victor Gaviria, les films colombiens nous ont marqué. Nous découvrons aujourd’hui Epifania à Paris, au Festival du film colombien (du 11 au 17 octobre).

[rating=4]

Oscar Ruiz Navia et Anna Eborn filment ici le temps, dans sa dimension palpable. D’une grande simplicité, Epifania constitue un triptyque, où une même figure de femme (Cecilia Navia) incarne un moment de transition dans l’existence. Le premier volet nous montre une jeune femme, sur l’île de Farö, qui vient se recueillir au chevet de sa mère morte. Cecilia Navia, allongée dans la mort, lui apparaît quelques scènes plus loin, fantôme bienveillant et chaleureux. La mère s’assied alors aux côtés de sa fille, devant un beau feu et lance, espiègle : « Les médecins se sont trompés, mon amour. Je méditais, seulement. » Une émotion, une candeur se dégagent de cet instant magique. On pense à certaines illuminations temporelles, où la mort se trouve conjurée, de Manoel de Oliveira (L’Etrange affaire Angelica, en particulier).

Le second volet nous montre la même Cecilia Navia, cette fois bien vivante, qui tente de reprendre confiance dans la vie lors d’un atelier de guérison entre femmes. Ambiance chamanique, exercices de yoga, méditation, danses, nous suivons une femme en douleur, dont le visage s’éclaire progressivement, jusqu’à la joie.

Dans le troisième volet, c’est bien à une épiphanie que nous assistons. Cecilia Navia est ici grand-mère, et vit au Canada. Nous la voyons jouer dans la neige avec son petit-fils, rire aux éclats. De retour à la maison, c’est sur le ventre de la mère que toute l’attention se porte : sur le point d’accoucher, chez elle et dans l’eau, la jeune femme se prépare. L’accouchement a lieu sous nos yeux. Un corps nu, dans l’eau, se tord et donne la vie, presque en temps réel.

Ces moments de passage, de la mort à l’apparition fantômatique, de la tristesse à l’apaisement, de la grossesse à la vie, sont scrutés avec délicatesse. Oscar Ruiz Navia et Anna Eborn sont tout particulièrement attentifs à la lumière. Les crépuscules, les aubes, les lueurs vacillantes, les images projetées par un vieux projecteur de cinéma, saisissent et émeuvent. Cecilia Navia, en éternel féminin, incarne la dimension cyclique de la vie : entre le Nord, la Colombie et le Canada, quel que soit l’endroit, elle demeure en liaison intime avec la nature.

Epifania, Oscar Ruiz Navia et Anna Eborn, Colombie, 2017, 71 minutes. Festival du film colombien.

visuels: affiche officielle du festival; photo officielle du film Epifania.

Les essentielles de Cristine le temps de la nature pour votre peau
Le piano fantastique d’Hélène Tysman
Avatar photo
Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration