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[Deauville 2016]”Captain Fantastic” l’utopie libertarienne portée par Viggo Mortensen

[Deauville 2016]”Captain Fantastic” l’utopie libertarienne portée par Viggo Mortensen

02 September 2016 | PAR Olivia Leboyer

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Le héros du titre, c’est ce père bigger than life, un Viggo Mortensen chef de tribu, intellectuel en rupture de ban avec la société : sa femme et lui avaient créé une petite communauté rêvée, élevant leurs six enfants en pleine forêt. Mais l’un des deux a flanché : dépressive, la mère a dû être hospitalisée en ville, où elle s’est suicidée. Prix de la mise en scène à Un Certain Regard, présenté à Sundance, et maintenant à Deauville, ce film édifiant déçoit néanmoins un peu.

[rating=3]

La première séquence nous plonge dans le quotidien sauvage, violent, de cette famille au fonctionnement étrange, en mode survival. Tout semble organisé, sous contrôle : après la chasse, autour du feu de camp, Ben (Viggo Mortensen) donne cours à ses six enfants, aussi à l’aise en analyse littéraire (de George Elliot ou Nabokov) qu’en physique quantique, avec le théorème de Planck. Trop beau pour être vrai ? Oui, car on comprend vite quelles fêlures cache l’utopie : la mère des enfants, bipolaire, soignée en ville, vient de s’ouvrir les veines.

Le pari intéressant du film consiste à nous exposer, à découvert, les doutes qui assaillent alors Ben. Partisan de la discussion libre et ouverte, à tout âge, le père dit la vérité à ses enfants, du jeune homme presque adulte au tout petit. Le suicide, la mort, les principes d’éducation, la société capitaliste et ses dérives, on pose tout sur la table et on dissèque. Ces règles de vie, hippies libertaires, voire libertariennes, Ben y a toujours cru. Ici, on fête Noam Chomsky, pas Noël. Mais, avec la mort de sa femme et le désarroi de certains de ses enfants, ses certitudes vacillent. Aurait-il commis une belle erreur ?

La réflexion sur l’éducation ne manque pas d’intérêt. L’opposition entre Ben et son beau-père, riche et traditionnel, réserve des séquences assez touchantes. Mais les qualités quasiment surhumaines des six enfants sauvages, tous plus extraordinaires les uns que les autres, prêtent souvent à sourire. Comme si le film, édifiant en diable, voulait à toute force nous en mettre plein la vue. Très intéressant dans sa première moitié, le récit verse ensuite dans la grandiloquence, avec rebondissements dramatiques, épisodes comiques de non-adaptation des enfants aux relations sociales normales, scènes cathartiques, grand final spectaculaire.

Sur le même thème, l’utopie d’une vie en pleine nature loin la société corruptrice, The Ballad of Jack and Rose de Rebecca Miller (2005, avec Daniel Day Lewis et Camilla Belle) était beaucoup plus fin.

Captain Fantastic, de Matt Ross, USA, 2h, avec Viggo Mortensen, Frank Langella, George Mackay, Samantha Isler, Annalise Basso, Nicholas Hamilton, Shree Crooks. Festival de Deauville 2016. Sortie française le 12 octobre 2016.

visuels: affiche, photo et bande annonce officielles du film.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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