A l'affiche
[Critique] “Sicixia” une histoire simple en Galice, un coup de coeur

[Critique] “Sicixia” une histoire simple en Galice, un coup de coeur

08 November 2016 | PAR Olivia Leboyer

Sicixia-_-PhotoFilm

Hier soir, au Majestic Passy, l’association Espagnolas en Paris nous conviait à la projection du nouveau film d’Ignacio Vilar (A Esmorga, 2014), Sicixia : une histoire d’amour, toute simple, bouleversante, dans la nature galicienne. L’équipe du film était présente, et la soirée s’est poursuivie avec un fabuleux cocktail cuisiné par de grand chefs de cette même région. Une magnifique soirée.

[rating=4]

Ignacio Vilar, en préambule, nous parle de son amour du cinéma français, citant pêle-mêle Truffaut, Melville, Godard, Rohmer, remarquant avec esprit que les films sont souvent plus « vrais » que la vie. Loin d’être surchargé de références, son film Sicixia est une belle épure. Très simple, l’histoire d’amour palpite au rythme de la Galice, région montrée ici dans ses aspérités et ses beautés discrètes.

Clin d’œil à Blow up (Antonioni), Blow out (Brian de Palma) ou Conversation secrète (Coppola) ? Le personnage principal, Xiao (Monti Castineiras) est un ingénieur du son, qui se déplace derrière sa perche et peine visiblement à communiquer. Avec sa femme, quelques plans crispés suffisent à indiquer que rien ne va plus. Mais, là encore, dire les choses est compliqué. Envoyé pour un reportage en Galice, à Costa da Morte, il se voit confié à une jeune et belle guide, Olalla (Marta Lado, primée pour ce rôle au Festival du cinéma espagnol de Toulouse), tout aussi sombre et réservée que lui, qui plonge parmi les algues. Entre eux, quelques regards, une bruque poussée dans le dos sur les dunes (« Je voulais voir si vous saviez sourire »), de longues promenades passées à capter les sons environnants. Le bruit du vent, des feuillages, le galop des chevaux, les bribes de conversation en galicien, autant de petits liens. Peu à peu, l’écoute se fait plus vive, et les personnages vont s’ouvrir, à la nature, l’un à l’autre. Sans prévenir, l’attirance entre Xiao et Olalla, immédiate et violente, les engage dans une histoire d’amour. La jeune femme est également mariée, à un employé de banque. Dans le minuscule village où tout se sait, la réprobation est forte. N’est-elle pas, déjà, une exception, parmi ces femmes de marin qui ont appris à se passer d’un homme ? Elle qui a son mari chez elle tous les soirs, comment ose-t-elle prendre un amant ? C’est la première fois qu’Olalla commet l’adultère, et son amour est sincère, très pur.

L’actrice Marta Lado rayonne de naturel, visage tour à tour fatigué, douloureux ou sublimé. Dans cette nature rude, finistère à la beauté sauvage, elle s’abandonne à l’amour tout en restant très lucide. Xiao se laisse également porté par la passion, le temps d’une parenthèse enchantée. Les sensations, le climat nous atteignent directement. Des couteaux que l’on fait cuire, quelques verres de vin blanc, une soirée dans un bar, des étreintes évidentes, l’amour suit un cours naturel, jusqu’à l’issue, inévitable.

Ignacio Vilar filme une histoire simple, celle d’un homme et d’une femme, et de la nature, belle et austère. Fable, légende (les hommes du village content à Xiao une légende sublime, très similaire à leur bel amour condamné), cet amour nous captive avec force. Le film distille une sensualité entêtante et trouble.

Nous repenserons à Sicixia, dont les images restent en tête : mais, juste après la projection, place aux salutaires distractions. Les chefs Ivan Dominguez (étoilé), Javier Rey, Miguel Silvarredonda et Tino Otero ont concocté pour nous des mets galiciens absolument délicieux. Encore imprégnés du climat du film, nous avons l’impression de manger la mer : Empanada galicienne aux couteaux à l’ail et aux algues wakame, moules à l’escabèche d’algues, cèpes et betterave au vinaigre, coques et algues atlantiques au parfum de pouce-pied, salaison de chinchard au chimichurri d’algues, salade d’algues et foie de lotte, arrosés de vins D. O. Valdeorras. Poétiques en diable, les algues sont de succulents légumes de mer.

Une très belle soirée, et un film marquant, que nous vous conseillons vivement lorsqu’il sortira en France : Sicixia sort en Espagne le 25 novembre, on lui souhaite le meilleur.

Sicixia, de Ignacio Vilar, 98 minutes, Espagne, avec Marta Lado, Monti Castineiras. Sortie espagnole le 25 novembre 2016.

visuels: affiche et photo officielles du film.

Gagnez 5 places pour le film “Where horses go to die” d’Anthony Hickling, le 16 novembre au MK2 Quai de Loire
[CRITIQUE] “Inferno” ou comment Ron Howard gâche le roman de Dan Brown
Avatar photo
Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration