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[Critique] “The Lunchbox”, délicieuse comédie sociale indienne

[Critique] “The Lunchbox”, délicieuse comédie sociale indienne

04 December 2013 | PAR Olivia Leboyer

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Depuis son passage à Cannes (Semaine de la Critique), ce film indien n’en finit plus de séduire les spectateurs. Une comédie sentimentale et sociale fine, dure, loin des clichés : à ne pas manquer ! En salles dès le mercredi 11 décembre.

[rating=4]

L’idée de départ est plaisante : un quiproquo, comme dans toute comédie romantique. La suite, nettement plus originale et surprenante, nous plonge dans le quotidien gris et triste des Indiens des grandes métropoles : le pouvoir de la cuisine et des mots apporte une fragile et belle lueur d’espoir.

Ila (Nimrat Kaur, belle et émouvante), que son mari regarde à peine, décide de lui concocter, pour son déjeuner au bureau, de délicieux petits plats maison. La nourriture n’est-elle pas étroitement liée à la sensualité ? Mais voilà, le livreur qui porte les fameuses lunchbox se trompe de destinataire et c’est un comptable solitaire, prêt à prendre sa retraite, qui reçoit le festin en question. Or, le malentendu est très vite dissipé : le soir même, en interrogeant son mari, Ila comprend qu’il y a eu erreur. Le lendemain, elle glisse un petit mot dans une seconde lunchbox pour expliquer la situation à l’homme inconnu et pour le remercier, très poliment, d’avoir absolument tout mangé, signe qu’il a apprécié son repas. La logique voudrait que l’homme, Saajan (Irrfan Khan, excellent), remercie à son tour, dans les formes. Mais Saajan choisit de répondre sur un ton abrupt, déroutant, qui pique évidemment la curiosité d’Ila. Dès lors, il n’est plus question pour elle de dépenser ses efforts en pure perte pour reconquérir son mufle de mari, mais bien d’entamer une correspondance insolite et libre avec ce parfait inconnu, qui ne signe même pas !

Assez bourru, brusque, Saajan n’a plus trop l’habitude des rapports sociaux. Depuis la mort de sa femme, il est très seul et cette aventure des paniers-repas vient littéralement ensoleiller son quotidien. Aux prises avec le jeune homme exaspérant de bonne volonté et de familiarité (Nawazuddin Siddiqui, hilarant), qui doit lui succéder à la comptabilité, Saajan se montre odieux, avant de se laisser apprivoiser.

Les effets euphorisants, enchanteurs, des repas se font sentir, rapprochant les deux épistoliers solitaires. Mais la force du film tient à son réalisme : loin de se réduire à une banale comédie romantique, The Lunchbox n’élude pas les problèmes sociaux, abordés ici frontalement. Devant ses fourneaux, la belle Ila ressemble à une prisonnière, envoyant ses lunchbox comme la princesse Raiponce déroulait sa chevelure : avec un espoir de délivrance. Saajan, assis à son petit bureau, tassé dans des bus bondés, subit la solitude des grandes villes inhumaines et froides. Le jeune apprenti comptable Shaikh, pour exister au milieu de cette ville-monstre, invente mille petits stratagèmes…

The Lunchbox est une comédie sociale particulièrement réussie : un film plein d’humour, d’esprit pimenté, mais qui conserve ses aspérités. Une très jolie découverte, à ne surtout pas manquer !

The Lunchbox, de Ritesh Batra, Inde, 1h42, avec Irrfan Khan, Nimrat Kaur, Nawazuddin Siddiqui, Denzil Smith, Bharati Achrekar, Nakul Vaid. Sortie le 11 décembre 2013.

Visuels : © photos et bande-annonce officielles du film

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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