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[Critique] « Noé » de Darren Aronofsky, un détonnant mélange d’effets spéciaux, d’exégèse et d’émotion

[Critique] « Noé » de Darren Aronofsky, un détonnant mélange d’effets spéciaux, d’exégèse et d’émotion

01 April 2014 | PAR Yaël Hirsch

Alors que le dernier projet pharaonique et mythique de Darren Aronofsky The Fountain (2006) avait tourné à la catastrophe, on attendait avec autant d’impatience que de crainte le nouvel opus du réalisateur, récemment encensé pour Black Swan (2010). Pari réussi, Noé est superproduction biblique aux effets spéciaux délirants, où Russell Crowe enfile un autre costume de patriarche pour sauver une partie de la création du déluge… Un film magnifique, en salles le 9 avril 2014.

[rating=5]

Victime collatérale de la chute d’Adam, Noé voit son père assassiné par Tuba-Caïn, chef de horde d’hommes monstrueux, mécréants ivres de pouvoir, d’exploitation et de sang. Cette scène inaugurale a lieu le jour-même où son père lui transmet les phylactères faites de la peau du serpent tentateur, insigne du droit d’aînesse. Caché derrière des rochers, Noé (Russell Crowe) grandit loin des tempêtes, amoureux  fidèle de sa femme, Naameh (Jennifer Connely, qui retrouve Darren Aronofsky 15 ans après Requiem for a dream) et élevant ses 3 enfants sur le mode végétarien, dans le respect des animaux et de la nature. Une vision nocturne prévient le patriarche qu’il est choisi par Yahvé pour accomplir une mission. Mais il ne sait pas laquelle. Pour le découvrir, il emmène toute sa famille voir leur ancêtre, le très vieux Mathusalem (Anthony Hopkins, qui retrouve enfin un bon rôle). C’est en présence de son arrière-grand père que Noé comprend que Dieu va purifier la terre d’une humanité arrivée au comble de la décadence. Et qu’il ça devoir sauver les animaux innocents du déluge. Sous la protection des “Vigies”, humains déchus et transformés en pierre, il va construire l’arche. Sans savoir si l’homme fait partie des espèce que Dieu veut préserver dans le monde qui va renaître…

Aronofsky reprend tous les épisodes bibliques de la courte histoire de Noé que sous les effets spéciaux, il interprète avec beaucoup de finesse  : par exemple, la notion d’engendrement est bien présente et les filiations sont explicitées. Il l’enrobe de modernité souriante dans une climat où manger de la viande s’approche dangereusement du péché originel et où “Noé” tend à prouver que les premiers hébreux étaient moins misogynes que leurs descendants puisque les femmes semblent avoir à la fois un rôle à jouer et détenir la possibilité d’hériter du droit d’aînesse…Mais si tout semble se concentrer sur Noé, une animation toute “malickienne” rythme le film, qui illustre seule vraie citation de la Genèse : celle de la chute du Paradis terrestre. Il y a donc un peu un rabbin chez le réalisateur, qui par ailleurs accomplit des miracles visuels avec ses images de synthèse, ses costumes assez élégants et son arche en bois et aux formes si régulières qu’elle semble sortie de l’esprit d’un architecte de Charles Quint. Mais la vraie grande surprise du film est la densité des personnages. Finalement, seul Noé a la rigidité vraisemblable de celui qui a été choisi par Dieu pour décider qui et quoi survivra. Tous ceux qui l’entourent ont leurs doutes, leurs pulsions de vie et leur pleine liberté. Si bien que même en connaissant “la fin de l’histoire”, on se passionne pour leur devenir et surtout pour la manière dont ils vont le négocier.

Paris réussi. On entre dans l’arche d’Arnofsky comme un enfant à qui ont lit un épisode de la Bible pour la première fois.

“Noé” de Darren Aronofsky, avec Russell Crowe, Anthony Hopkins, Emma Watson, Jennifer Connelly, Douglas Booth et Logan Lerman, USA, 2h19. Paramount. Sortie le 9 avril 2014.

visuel : photo officielle du film

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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