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[Critique] “Nocturama”, la jeunesse désœuvrée de Bertrand Bonello tourne en rond avec sa colère

[Critique] “Nocturama”, la jeunesse désœuvrée de Bertrand Bonello tourne en rond avec sa colère

16 August 2016 | PAR Yaël Hirsch

Alors que Nocturama sera présenté début septembre au festival de Torronto, le réalisateur Bertrand Bonello passe du biopic poétique obnubilé par une unique personnalité, Saint Laurent, au paysage d’une bande de jeunes gens en colère qui font sauter Paris. Si l’on retrouve la nuit, le trouble et la lumière bleutée qui sont la signature du maître, le film, initialement intitulé “Paris est une fête” brouille son message quant au lien désespoir/violence que nos temps connaissent.
[rating=3]

De la cité à l’étudiant à sciences-po, ils viennent de milieux différents, ont moins de 25 ans et n’ont pas d’horizon. Ils décident de clamer leur violence en organisant méticuleusement le bombardement de plusieurs bâtiments symboliques dans Paris. Après l’acte, ils se retrouvent au BHV déconnecté de ses caméras de surveillance, pour une nuit de veille avant dispersion…

Ode à Paris et à sa jeunesse, Nocturama est un film quia  pour lui l’esthétique inimitable de Bertrand Bonello : le pourpre et le nuit vont creuser profond dans les recoins les plus sombres de l’humain. Le film fait aussi le pari réussi de mettre en avant une poignée de jeunes acteurs formidables dans lesquels on retrouve notamment Finnegan Oldfield (Les cowboys, Bang Gang), Vincent Rottiers et Manal Issa (Peur de Rien) et aux côtés desquels Adèle Haenel fait figure de patronne. Mais alors qu’en prenant pour sujet le désespoir de la jeunesse et le lien à la violence, ni la construction, ni les dialogues du film ne parviennent à faire avancer un message ou une interrogation intéressante sur la question. Si Nocturama devait prendre pour titre celui du roman d’Hemingway qu’on s’est arraché après le 13 novembre 2015, rien dans le film ne nous aiguille sur les motivations contemporaines du nihilisme. Si les visages des jeunes gens sont beaux et en colère, si leurs yeux sont avides des biens exposés dans le Grand Magasin, si la religion est peut-être malignement mise de côté, les marqueurs sociaux sont surlignés, les trajectoires personnelles brouillées et le motivations d’un flou dérangeant. Recherche d’absolu? Acte gratuit à la Dostoïevski et à la Gide? Désir de changement social? Ce qui anime les jeunes terroristes n’est jamais évoqué dans un film qui fonctionne en tableaux et se noie dans l’inaction et le manège de la fin tragique annoncée de ses protagonistes. C’est dommage, et au vu du talent du réalisateur et de l’importance du sujet, c’est presque impardonnable.

Nocturama, de Bertrand Bonello avec Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers, Hamza Meziani, Manal Issa, Martin Guyot, Jamil McCraven, Rabah Nait Oufella, Laure Valentinelli, Ilias Le Doré, Robin Goldbronn, Luis Rego, Hermine Karagheuz et la participation de Adèle Haenel, France, 2016, Wild Bunch, 2h10, Sortie le 31 août 2016.

visuels : © Carole Bethuel

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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