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[Critique] « Maestro » : Jocelyn Quivrin et Eric Rohmer sous les traits de Pio Marmaï et Michael Lonsdale

[Critique] « Maestro » : Jocelyn Quivrin et Eric Rohmer sous les traits de Pio Marmaï et Michael Lonsdale

14 July 2014 | PAR Olivia Leboyer

Léa Fazer connaissait bien Jocelyn Quivrin, qu’elle a dirigé dans Notre univers impitoyable (2008) et Ensemble, c’est trop (2009). En reprenant un scénario de l’acteur, disparu en 2009, elle lui rend un hommage touchant. Double hommage, d’ailleurs, puisque Jocelyn Quivrin raconte ici sa rencontre avec Eric Rohmer, sur le tournage des Amours d’Astrée et de Céladon (2007). En salles le 23 juillet.

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Il y a, dans ce Maestro, une vraie corde sensible. C’est le récit d’une initiation, la naissance d’une émotion : un jeune acteur beau gosse, Pio Marmaï, habitué aux publicités et aux petits rôles dans des films d’action lambda, croise soudain la route d’un grand cinéaste, Cédric Robert (déformation amusante, à peine voilée, d’Eric Rohmer). Rohmer, c’était la légèreté, l’esprit, le goût des belles lettres et de la jeunesse vivante et gaie. En Eric Rohmer, Michael Lonsdale est fabuleux. Malicieux, charmant, courtois, il distille une grâce évidente. Face à lui, Pio Marmaï rayonne de fraîcheur et de candeur, dans le bon sens du terme.

Si le grand réalisateur intimide ou bloque les acteurs férus de son œuvre, Henri (comme Jocelyn, un prénom romantique, un peu désuet) ne connaît rien à ce type de cinéma labellisé « intello » (Jocelyn Quivrin, ne l’oublions pas, avait quand même débuté, enfant, chez Roger Planchon). Dérouté, il a tout d’abord l’impression d’être tombé chez les fous, dans un monde parallèle avec inversion des valeurs (alors, comme ça, Spielberg serait moins impressionnant que Cédric Robert ?). Peu à peu, l’intelligence et la gentillesse de Cédric Robert vont le conquérir, presque le subjuguer. L’opération de séduction est d’autant plus réussie qu’elle a lieu durant le tournage des Amours d’Astrée et de Céladon. Eric Rohmer a adapté en 2007 le roman d’Honoré d’Urfé, avec Jocelyn Quivrin dans le rôle de Lycidas. Le jeu entre la réalité et la fiction est habilement tissé. Petits clins d’œil, gags fins ou potaches, le film se déroule selon un équilibre délicat. Jamais plombant, ce double hommage nous touche par sa pudeur et sa fraîcheur.

Léa Fazer restitue l’enchantement de cette rencontre de cinéma et, au-delà, de ce coup de foudre humain.

Maestro, de Lea Fazer, France, 2014, 1h25, avec Pio Marmaï, Michael Lonsdale, Déborah François, Alice Belaïdi, Nicolas Bridet, Dominique Reymond, Micha Lescot, Scali Delpeyrat. Sortie le 23 juillet 2014.

Visuels : (c) affiche, photo et bande annonce officielles du film.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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