A l'affiche
[Critique] « Les Suffragettes » :  film de lutte sur l’âpre combat des militantes féministes anglaises

[Critique] « Les Suffragettes » : film de lutte sur l’âpre combat des militantes féministes anglaises

21 November 2015 | PAR Gilles Herail

Sarah Gavron a réuni un casting prestigieux (Carey Mulligan, Helena Bonham Carter et Meryl Streep) pour retracer le combat militant des féministes anglaises du début du siècle. Un film qui préfère l’intime au spectaculaire et rend hommage au sacrifice personnel de femmes qui ont du accepter leur mise à l’écart d’une société conservatrice cadenassée et se résoudre à l’utilisation de la violence pour continuer leur lutte pour l’égalité.

[rating=3]

Extrait du synopsis officiel: Au début du siècle dernier, en Angleterre, des femmes de toutes conditions décident de se battre pour obtenir le droit de vote. Face à leurs revendications, les réactions du gouvernement sont de plus en plus brutales et les obligent à entrer dans la clandestinité pour une lutte de plus en plus radicale. Puisque les manifestations pacifiques n’ont rien donné, celles que l’on appelle les suffragettes finissent par avoir recours à la violence pour se faire entendre.

Les cours d’Histoire abordent rapidement la question des Suffragettes, que l’on regarde souvent avec une forme de paternalisme. Des “petits bouts de femme” qui ont osé dire non et manifesté avec leurs petits moyens pour obtenir l’égalité devant le droit de vote. On aurait pu s’attendre à une comédie dramatique militante et solidaire comme le cinéma anglais sait si bien les faire (heureux souvenir de Pride, film euphorisant sur la convergence des luttes entre homosexuels et ouvriers à l’époque de Thatcher)Sarah Gavron fait un choix opposé, en assumant le caractère radical d’une partie du mouvement féministe anglais du début du siècle. Qui a franchi la ligne de la simple contestation pour utiliser les armes de la désobéissance civile et du sabotage, pour faire entendre son message. C’est le sujet du film qui rend hommage aux combattantes de l’égalité, tout en analysant leurs divisions: utiliser ou non la violence, assumer la clandestinité et l’illégalité, se mettre au niveau des hommes et de la brutalité de la société anglaise de l’époque.

Les suffragettes aborde de front le sacrifice de ces activistes, qui ont du affronter leur mise au banc d’une société conservatrice cadenassée. Le harcèlement policier, l’inflexibilité et les menaces du ministère de l’intérieur, le regard blessant des voisins, des collègues ne comprenant pas leur choix. Le scénario insiste également sur la dimension sociale de ce combat, dirigé par des femmes de la grande bourgeoisie. Mais mobilisant à sa base des ouvrières, sur-exploitées, subissant la loi du genre en plus de la loi du marché. Carey Mulligan très investie, tient le film sur ses épaules, interprétant une héroïne malgré elle, qui ne devient résistante que par la force des choses. Une militante sur le tard qui va découvrir sa propre détermination et affronter les conséquences de son engagement sur sa propre vie.

L’angle intimiste du film permet de comprendre la brutalité que représente l’engagement d’une femme aux côtés des suffragettes. L’incompréhension du mari, le risque de perdre son enfant, la précarisation absolue de sa situation. Les suffragettes ne nous éclairera pas sur les éléments politiques et historiques qui ont finalement permis de remporter la bataille et de faire de l’Angleterre un des premiers grands pays à accorder le droit de vote aux femmes. Mais le film nous apprend beaucoup sur la naissance d’un mouvement féministe plus radical. Retournant les armes des hommes contre eux. Dépassant la seule question des droits civiques pour demander une égalité plus large et un respect de la dignité des femmes. Malgré quelques moments de mélo un peu appuyés, le film séduit par cette volonté de ne pas glamouriser un mouvement révolutionnaire et de l’inscrire au contraire dans l’Histoire des luttes sociales en Angleterre.

Gilles Hérail

Les suffragettes, un drame historique anglais de Sarah Gavron avec Carey Mulligan, Helena Bonham Carter et Meryl Streep, durée 1h46, sortie le 18 novembre 2015

Visuels : © photos officielles et affiches officielles du film
[Critique] « L’hermine » : Fabrice Luchini dans un film d’une absolue délicatesse
[Live Report] Siggraph Asia 2015 : Salon incontournable de l’animation et des arts numériques
Gilles Herail

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration