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[Critique] « Le Labyrinthe du silence »: thriller historique puissant retraçant l’enquête sur Auschwitz et le procès de Francfort

[Critique] « Le Labyrinthe du silence »: thriller historique puissant retraçant l’enquête sur Auschwitz et le procès de Francfort

02 May 2015 | PAR Gilles Herail

Giulio Ricciarelli signe un thriller historique puissant qui revient sur un moment oublié de l’histoire allemande: la longue et difficile enquête précédant le procès de Francfort où plusieurs bourreaux d’Auschwitz ont été condamnés par les tribunaux allemands. Le labyrinthe du silence est un long-métrage bien exécuté, posant des questions passionnantes sur l’Allemagne de l’après-guerre et la difficulté de répondre par la justice aux horreurs commises par des citoyens lambda sous le régime nazi. 

[rating=4]

Synopsis officiel: Allemagne 1958 : un jeune procureur découvre des pièces essentielles permettant l’ouverture d’un procès contre d’anciens SS ayant servi à Auschwitz. Mais il doit faire face à de nombreuses hostilités dans cette Allemagne d’après-guerre. Déterminé, il fera tout pour que les allemands ne fuient pas leur passé.

Le cinéma allemand continue d’explorer l’Histoire après une série d’excellents films évoquant la seconde guerre mondiale et l’ex RDA (D’une vie à l’autre, Phoenix, De l’autre côté du mur). Giulio Ricciarelli qui signe ici son premier film a choisi un sujet passionnant. Le tabou, au sortir de la guerre, des atrocités commises par les allemands “ordinaires” sous le régime nazi. Le labyrinthe du silence cherche la précision historique pour participer au devoir de mémoire mais s’est autorisé un personnage principal fictionnel, jeune procureur chargé d’enquêter sur Auschwitz et qui symbolise une génération d’allemands, nés dans les années 1930, qui découvrent le poids de la culpabilité face aux exactions de leurs aînés.

L’ambiance de polar d’époque se rapproche de La French (avec Jean Dujardin), qui suivait également un jeune justicier brillant, se battant seul contre tous jusqu’à l’épuisement, pour que la vérité éclate. L’ambition est claire et assumée. Réaliser un film haletant, grand public, tout en s’interrogeant avec finesse sur un des moments fondateurs du travail de mémoire en Allemagne. Le film réussit sur les deux tableaux, en captant l’attention de son public grâce à un script dynamique et à un héros charismatique. Tout en posant les bonnes questions sur une période d’après-guerre trop peu évoquée. Comment reconnaître et enseigner les exactions innommables perpétuées par les allemands pendant la guerre? Peut-on juger des individus qui agissaient souvent “sur ordre”? Comment rendre hommage à la mémoire des victimes tout en permettant à l’Allemagne de se reconstruire et de se tourner vers l’avenir.

Les premières images du film résument tout. Un rescapé d’Auschwitz qui discute avec un instituteur, et réalise que l’homme faisait partie de ses bourreaux. Plusieurs milliers de SS étaient affectés dans ce seul camp. Plusieurs dizaines de milliers sur l’ensemble des camps de concentration et d’extermination. Beaucoup ayant survécu et s’étant fondu dans la masse après la capitulation, retournant à une vie normale sans être inquiétés. A travers les yeux d’un jeune diplômé brillant qui n’a pas vécu la guerre et pense qu’Auschwitz était un camp de prisonniers comme un autre, le spectateur suit une enquête qui va permettre de révéler l’horreur, enfouie sous les non-dits. A une époque où les autorités et l’administration allemandes freinent des quatre fers pour ne pas ré-ouvrir les pages noires du passé. Un moment où l’ennemi n’était plus le tortionnaire nazi mais la menace communiste.

Le film raconte ce travail de fourmi, de collecte d’informations, de témoignages et de preuves, compliqué par les blocages permanents, à tous les niveaux. Avec un objectif: retrouver les personnes impliquées et les amener devant la justice allemande. Le labyrinthe du silence trouve une belle idée de mise en scène pour illustrer le choc d’une nouvelle génération d’allemands découvrant les crimes commis pendant la guerre. En ne filmant pas le visage des rescapés qui témoignent, simplement la réaction d’horreur sur les visages du jeune procureur et de son assistante. Le film parle très bien des questionnements stratégiques et juridiques que pose l’organisation du procès de Francfort. Se focaliser uniquement sur les figures les plus monstrueuses comme le docteur Mengele et ses expérimentations sur les jumeaux. Ou au contraire chercher à condamner des citoyens lambda qui se sont livrés à des actes de torture et à des meurtres. Juger en très petit nombre peu de crimes, faute de preuves, comme un acte fondateur d’une prise de conscience des générations futures.

Pour tenir la durée du film, le réalisateur s’arrête au moment où le procès commence sans évoquer son impact sur la construction de la mémoire du nazisme en Allemagne et le tournant pris par la génération suivante, sur-conscientisée et culpabilisée. Mais Le labyrinthe du silence est un film réussi et essentiel, qui traite avec beaucoup d’intelligence la question complexe de la gestion d’une culpabilité collective après une période de honte nationale. A voir absolument.

Gilles Hérail

Le labyrinthe du silence, un thriller historique allemand de Giulio Ricciarelli avec Alexander Fehling, André Szymanski et Friederike Bech, durée 2H03, sortie le 29 avril 2015

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Gilles Herail

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