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[Critique] du film documentaire « Un jour, ça ira » Une vie d’enfant en centre d’hébergement d’urgence

[Critique] du film documentaire « Un jour, ça ira » Une vie d’enfant en centre d’hébergement d’urgence

25 February 2018 | PAR Gilles Herail

Stan et Edouard Zambeaux signent un conte social réaliste émouvant sur le quotidien d’enfants qui vivent en centre d’hébergement d’urgence. Un témoignage rare sur la réalité méconnue des familles sans-abris, qui trouve des émotions très justes et donne à ses jeunes protagonistes un statut et une reconnaissance auxquels ils n’ont jamais eu accès. A voir absolument ! Notre critique.

[rating=4]

Synopsis officiel: Djibi et Ange, deux adolescents à la rue, arrivent à l’Archipel, un centre d’hébergement d’urgence au cœur de Paris. Ils y affrontent des vents mauvais, des vents contraires, mais ils cherchent sans relâche le souffle d’air qui les emmènera ailleurs. Et c’est avec l’écriture et le chant qu’ils s’envolent… et nous emportent. Une plongée au coeur de l’Archipel, un centre qui propose une façon innovante d’accueillir les familles à la rue.   

La question du mal-logement fait la Une des médias à l’occasion de la sortie du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre ou lorsque les vagues de grand froid créent une empathie particulière envers les sans-abris. Les mal-logés retournent en revanche trop souvent dans un anonymat teinté d’indifférence le reste de l’année. Un documentaire sorti il y a trois ans (300 hommes) apportait un premier témoignage immersif, sans interviews ni commentaires, au sein d’un centre d’accueil de nuit marseillais. Un film fort, difficile, sur cette frange ultra précarisée de la société bloquée dans la spirale de l’exclusion sociale. Un jour çà ira adopte un ton très différent, plus léger et plus grand public, pour partager une autre réalité. Celle des familles sans domicile fixe, logées provisoirement à l’hôtel ou en centre d’hébergement d’urgence, dans l’attente d’une solution logement pérenne qui met parfois plusieurs années à se concrétiser.

Stan et Edouard Zambeaux, ont posé leur caméra dans un établissement pas comme les autres, spécialisé dans l’accueil de ces familles invisibles. Les réalisateurs ont privilégié la forme du conte réaliste en signant une chronique à hauteur d’enfant, qui suit un jeune héros attachant, Djibi, et une poignée de ses camarades. Un jour ça ira n’est pas un pamphlet politique mais un témoignage sensible sur le parcours de ce “serial-déménageur” qui n’a jamais pu poser ses valises et eu la chance de vivre son enfance sereinement. Une vie à attendre un chez soi définitif, que sa mère, travailleuse précaire, n’a pu lui offrir. Les cinéastes captent une parole rare, intime, sur le ressenti d’un enfant face à cette précarité, ce sentiment de n’être chez lui nulle-part, la honte qu’il ressent par rapport à ses camarades de classe, son envie toute simple d’accéder un jour à un logement à lui. Un témoignage obtenu grâce aux activités pédagogiques organisées par le centre, qui travaille avec les enfants sur la verbalisation de leur histoire, leur ressenti, leurs aspirations. Des mots mis en rimes, en poèmes, en chansons ou en slam, que l’on découvre dans un spectacle de fin d’année présenté à l’ensemble des résidents.

Un jour ça ira est un reportage passionnant sur la vie quotidienne de cet Archipel, où des liens d’amitié et solidarité se sont créés. Une vie sans confort, dans la promiscuité, où l’enfance reprend pourtant parfois ses droits, dans les couloirs d’un établissement qui est malgré tout devenu une forme de maison commune.  Les cinéastes souhaitent montrer ces moments de légèreté et de joie, qui provoquent une émotion sincère chez le spectateur, sans oublier pour autant leur caractère provisoire et fragile. Car le documentaire est traversé par deux bouleversements qui nous arrachent du conte et nous replongent dans la précarité de cette situation. Tout d’abord la fermeture du centre, qui représente à la fois l’espoir d’une sortie par le haut, l’incertitude de ne pas savoir de quoi demain sera fait, l’émotion de devoir dire adieu à un lieu particulier où se sont accumulés des souvenirs très forts. Mais aussi la collision avec une autre actualité : l’arrivée inattendue des migrants délogés des campements de fortune de la Chapelle et Stalingrad, que le centre devra accueillir sans préparation et dans l’urgence.

Un jour ça ira donne principalement la parole aux familles mais n’oublie pas le personnel du centre, saluant leur engagement et leur professionnalisme. La Directrice, qui doit gérer des flux et des processus s’imposant à elle et limitant sa capacité d’action. Les travailleurs sociaux, qui assurent la cohésion du centre et apportent un supplément d’âme, donnant toute sa pertinence à leur accompagnement. Un jour ça ira est un témoignage utile qui décrit une réalité méconnue dans sa complexité, un outil pédagogique qui sera on l’espère largement diffusé à l’école mais également un magnifique film de cinéma, qui trouve des émotions très justes et donne à ses jeunes protagonistes un statut et une reconnaissance auxquels ils n’ont jamais eu accès. A voir absolument.

Un jour ça ira, un documentaire français de Stan et Edouard Zambeaux, durée 1h30, sortie le 14/02/2018

Gilles Hérail

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Gilles Herail

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