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[Critique] du film documentaire « 12 jours » Raymond Depardon témoigne de l’hospitalisation sans consentement

[Critique] du film documentaire « 12 jours » Raymond Depardon témoigne de l’hospitalisation sans consentement

11 December 2017 | PAR Gilles Herail

Raymond Depardon poursuit son travail essentiel de témoin de son temps, en s’intéressant cette fois à l’épineuse question de l’hospitalisation sans consentement de patients présentant des troubles psychiatriques. La méthode est toujours la même : poser la caméra et donner la parole à ceux que l’on n’entend et ne voit jamais, sans jugement ni parti pris idéologique. Pour mieux laisser le spectateur se faire un avis. A voir absolument. 

[rating=4]

Synopsis officiel: Avant 12 jours, les personnes hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement sont présentées en audience, d’un côté un juge, de l’autre un patient, entre eux naît un dialogue sur le sens du mot liberté et de la vie.

12-jours

Raymond Depardon n’est pas un cinéaste “facile”. Il reste pourtant le seul réalisateur de documentaires “sociaux” à attirer un public fidèle, qui va au delà des puristes et trouve même sa place dans (quelques) multiplexes. 12 jours ressemble beaucoup dans sa structure aux Habitants, sorti l’année dernière et ne convaincra pas plus les détracteurs du style de son auteur. La caméra est fixe, les scènes ne sont quasiment pas coupées, le constat est sans filtre, sans effets, sans avis, sans jugement. Depardon n’apparaît que dans le choix des séquences présentées et les quelques intermèdes musicaux contemplatifs. Laissant le spectateur en immersion, à l’écoute, aux manettes de l’interprétation.

12 jours réunit deux thématiques chères au réalisateur: la psychiatrie (San Clemente, Urgences) et la justice (Délits flagrants, 10e chambre instants d’audience). En s’intéressant à une question épineuse, curieusement absente du débat politique et de l’agenda médiatique : l’hospitalisation sans consentement de patients psy, qui touche près de 100.000 personnes par an (données 2016, voir analyse de Libération). Depardon a obtenu l’autorisation de filmer les audiences judiciaires qui doivent valider cette procédure pouvant contraindre des individus à se soigner, y compris contre leur gré. 12 jours est une compilation de ces entretiens, très brefs, entre un patient, un Juge, et un avocat. Quelques minutes (seulement), qui vont déterminer si la privation de liberté est bien conforme au droit et peut donc être reconduite, parfois pour plusieurs mois.

Depardon a l’immense mérite de mettre des visages, des voix, des émotions sur le monde psychiatrique. Un sujet qui reste toujours aussi tabou en France, ne fait l’objet d’aucune sensibilisation, se retrouve désespérément mis sous le tapis. Rendant extrêmement compliquée l’intégration (professionnelle, sociale, familiale, sentimentale, etc.) des personnes avec un diagnostic de bipolarité, de schizophrénie, ou de tout autre trouble psychique. 12 jours peut se révéler frustrant si l’on espère un pamphlet militant sur les droits des patients et les moyens de la psychiatrie. Mais son ambition est autre : permettre au spectateur d’écouter les témoignages, de découvrir la réalité et la diversité de ce qu’on réduit paresseusement à la notion de “folie”, d’entendre l’incompréhension ou la frustration face à la mesure d’hospitalisation sous contrainte, de questionner le rôle de la justice qui met un premier garde-fou face au risque d’arbitraire mais semble bien démunie pour exercer correctement son travail de contrôle.

Le spectateur ressort de la salle avec plus de questions que de réponses. Mais avec le sentiment  diffus que quelque chose cloche. Que la société n’assure pas son rôle collectif de gestion digne d’une problématique psy qu’il faudra bien un jour prendre à bras le corps. Un premier pas essentiel.

Gilles Hérail

12 jours, un documentaire français de Raymond Depardon, durée 1H27, sortie le 29 novembre 2017 

Bande-annonce et visuels officiels.

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