A l'affiche
[Critique] du film « The Birth of a Nation » relecture biblique de la lutte contre l’esclavage

[Critique] du film « The Birth of a Nation » relecture biblique de la lutte contre l’esclavage

12 January 2017 | PAR Gilles Herail

La première partie de The Birth of a Nation (Nate Parker) offre une chronique réaliste implacable des réalités de l’esclavage aux Etats-Unis, dans la lignée de 12 years a slave. Un travail de mémoire malheureusement gâché par une seconde moitié qui s’abîme dans une symbolique religieuse outrancière que n’aurait pas reniée Mel Gibson. Notre critique.

[rating=1]

Extrait du synopsis officiel : Trente ans avant la guerre de Sécession, Nat Turner est un esclave cultivé et un prédicateur très écouté. Son propriétaire, Samuel Turner, qui connaît des difficultés financières, accepte une offre visant à utiliser les talents de prêcheur de Nat pour assujettir des esclaves indisciplinés. Après avoir été témoin des atrocités commises à l’encontre de ses camarades opprimés, et en avoir lui-même souffert avec son épouse, Nat conçoit un plan qui peut conduire son peuple vers la liberté…

the-birth-of-a-nation

Birth of a Nation (sorti en 1915) possède une place à part dans l’histoire de l’industrie cinématographique américaine. Un long-métrage de fiction aussi techniquement bluffant (pour l’époque) qu’idéologiquement rance. Prenant la forme d’un manifeste raciste assumé, mettant en scène l’homme noir comme une menace pour la femme blanche et faisant l’apologie  du Ku Klux Klan. Nate Parker a souhaité reprendre le titre du film de D.W. Griffith pour offrir une contre-histoire des Etats-Unis, fondée sur la mémoire de l’esclavage et sur le récit d’un acte d’émancipation contre les “maîtres”. Le réalisateur américain (dont c’est le premier film) s’est inspiré de l’histoire de Nat Turner, leader d’une révolte  sanglante dans le compté de Southampton (Virginie) en 1831. Une figure importante de l’histoire afro-américaine, relativement méconnue en France, que le cinéaste utilise comme un symbole de résistance à travers un portrait hagiographique quasi mystique.

La première partie du film offre une chronique réaliste et éprouvante des réalités de l’esclavage, dans la lignée de 12 years a slave. Le scénario nous emmène à travers différentes plantations pour témoigner des atrocités commises, des tortures, des violences sexuelles, de l’imprégnation du discours sur l’inégalité des races. La caméra capte, sans fascination ni complaisance, la violence brutale des “maîtres” et l’horreur d’un système d’exploitation humaine qui hante toujours la mémoire collective américaine. Le témoignage historique, aussi nécessaire que bouleversant, est malheureusement brouillé par l’obsession religieuse du réalisateur qui transforme la deuxième partie du film en épisode biblique lourdingue. De gros sabots chrétiens, marqués par une fascination malsaine pour le sang, le sacrifice et la violence, que n’aurait pas reniée Mel Gibson (Tue ne Tueras point). La symbolique outrancière (la croix, les plaies du Christ, les plans sur le ciel, les ailes d’ange) et les personnages archétypaux (une jeune épouse pure et parfaite, un héros version Jeanne d’Arc) ne sont pas seulement maladroits mais aussi déplacés.

The Birth of a Nation enlève tout caractère politique à l’esclavage, réduit à une opposition entre une population noire pieuse et des blancs alcooliques et débauchés. A une affaire de morale chrétienne plus qu’à un combat militant, idéologique, philosophique. Nate Parker est pétri de contradictions, montrant intelligemment dans la première partie comment l’évangélisation des esclaves a été utilisée dans un objectif de maintien de l’ordre. Avant de se vautrer pour la seconde dans un manifeste prosélyte qui ne prend aucun recul et perd toute ambition de nuances. Assénant à coup de massue son ego-trip messianique violent qui refuse toute complexité dans l’analyse. Il ne fallait bien sûr pas nier la foi de Nat Turner et l’importance de la religion au sein des communautés d’esclaves. Mais Nate Parker occulte toute autre dimension, écarte toute autre considération pour savourer sa métaphore du glaive biblique s’abattant sur les mécréants. Passant à côté du grand film politique annoncé et ne se révélant clairement pas à la hauteur de son sujet.

Gilles Hérail

The Birth of a Nation, un drame historique américain de et avec Nate Parker, Armie Hammer et Mark Boone Junior, durée 2h00, sortie le 11/01/2017

Visuels : © affiche et bande-annonce officielles du film
“Lanceurs d’alertes” : Assange, information, performance et paranoïa ouvrent la saison nouvelle de la Gaïté Lyrique
Toute La Culture Pro – Répondez à notre questionnaire
Gilles Herail

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration