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[Critique] du film documentaire « 1336 jours » Hommage aux combat des Fralib contre Unilever

[Critique] du film documentaire « 1336 jours » Hommage aux combat des Fralib contre Unilever

28 March 2017 | PAR Gilles Herail

1336 jours Des Hauts, Débats, mais Debout revient sur la lutte de longue haleine des salariés de l’usine Fralib face à la multinationale Unilever, contre la délocalisation d’une usine pourtant rentable. Claude Hirsch nous offre un témoignage passionnant sur ce combat de David contre Goliath qui illustre autant l’inversion du rapport de force entre les syndicats et la patronat que la (re) naissance d’un contre-modèle de société : la coopérative ouvrière. Notre critique de ce documentaire politique et militant, dans la lignée de La Sociale, Comme des Lions, Entre nos mains, et Merci Patron

[rating=4]

Extrait du synopsis officiel : l’aventure a duré 1336 jours ! 1336 jours pendant lesquels un noyau d’irréductibles se sont battus sans relâche contre Unilever. La grosse multinationale avait en effet décidé en 2010 de fermer son usine de conditionnement de thé et infusion à côté d’Aubagne, estimant qu’elle n’était pas rentable. Mais voilà ! Ces 82 personnes vont non seulement se battre pour que le rideau de fer ne s’abaisse pas définitivement sur les portes de l’usine mais cette bande d’entêtés va utiliser toutes les voies possibles et imaginables pour maintenir leur activité, leur emploi et prouver à ce trust international que l’entreprise reste viable !

1336-jours

Le genre documentaire s’est récemment illustré dans l’hommage aux combats sociaux de son temps. La Sociale sur la sauvegarde de la SécuComme des Lions sur la fermeture d’Aulnay, Entre nos mains sur la reprise en SCOP d’une entreprise du textile, ou encore le phénomène Merci Patron vengeant  (avec beaucoup d’humour) deux victimes de LVMH. 1336 jours des hauts débats mais debout, revient sur une des luttes syndicales les plus médiatisées de ces dernières années. Opposant les salariés de l’usine Fralib (fabriquant le Thé Elephant) contre la multinationale Unilever. Un combat de près de 4 ans entre David et Goliath qui se soldera par un quasi match nul mais sonnera malgré tout comme une victoire pour un collectif qui n’aura jamais cédé face aux pressions de la toute puissante maison mère.

1336 jours est d’abord la chronique d’un interminable feuilleton judiciaire, marqué par des allers-retours permanents devant les tribunaux, des Prud’hommes au Tribunal administratif en passant par la Cour de Cassation. Trois plans sociaux inacceptables d’Unilever qui seront finalement tous annulés par la justice. Des batailles de chiffres pour prouver l’illégalité de la décision de délocaliser une usine qui restait rentable. Des salariés licenciés, puis réintégrés, puis perdus dans les limbes du droit alors que plus personne n’arrive à s’accorder sur leur statut. Un parcours du combattant épuisant pour le comité d’entreprise et les salariés mobilisés qui voient leur moral jouer au yoyo en attendant chaque nouveau verdict qui peut porter un coup fatal à leur mouvement. Un sentiment de lassitude qui s’installe, malgré des décisions de justice favorables, alors que la victoire finale qui leur permettrait de passer définitivement à autre chose, parait inatteignable.

1336 jours chronique le quotidien de ceux qui se sont battus jusqu’au bout pour sauver leur emploi. Faisant entendre leur voix aussi bien dans les tribunaux qu’à travers des initiatives collectives visant à maintenir la pression sur Unilever et à remporter le soutien de l’opinion publique. Deux occupations de l’usine, méthodiquement préparées et organisées. Une invasion du Ministère de l’agriculture devant les yeux médusés du personnel et de la sécurité. Des actions médiatiques ici et là pour se rappeler au bon souvenir des politiques et éviter de sombrer dans l’oubli. Claude Hirsch filme un baroud d’honneur flamboyant, une fierté de retrouver la solidarité perdue du monde ouvrier, l’espoir de raviver la flamme de la lutte des classes, la joie d’appartenir à une contre-culture et de devenir un symbole de résistance partout en France.

Mais 1336 jours montre aussi, peut-être malgré lui, comment le rapport de force s’est progressivement déséquilibré. Les Fralib sauvent certes l’honneur en décrochant une prime respectable mais la marque Éléphant restera entre les mains d’Unilever qui aura également réussi à ne jamais proposer un PSE viable. La “victoire” des Fralib a un goût amer car la stratégie du groupe a malgré tout fonctionné. En tenant le bras de fer juridique jusqu’au bout, en jouant à fond la carte du pourrissement, en provoquant la division du mouvement à travers des enveloppes individuelles de plus en plus grosses qui ont cassé la cohésion des salariés. En tenant également tête à l’Etat qui, malgré la verve de Montebourg, n’aura pas non plus réussi à faire plier la multinationale et subira un véritable camouflet.

On ressort malgré tout du film avec un brin d’espoir. Le soutien de syndicalistes de la France entière n’aura permis qu’une demi-victoire mais le projet d’avenir mis en oeuvre par les salariés ouvre d’autres perspectives. Avec la naissance d’une SCOP, société coopérative de production, qui réunit une partie des anciens employés et a permis de reprendre l’activité. Cette nouvelle entreprise “Scop-Ti” et sa marque s’appelle “1336”, comme le nombre de jours qu’ont tenu les irréductibles de Fralib. Elle vend du thé partout en France, en défendant une approche socialement solidaire et écologiquement responsable. Et incarne par sa seule existence un acte de résistance.

Gilles Hérail

Pour découvrir la marque 1336 :

Le site de la marque: http://www.1336.fr/  et de Scop-Ti http://www.scop-ti.com/

La page Facebook : https://www.facebook.com/1336-814485468647727/ 

A lire également sur le combat des Fralib contre Unilever

Article de Libération : http://www.liberation.fr/futurs/2014/05/27/les-fralib-obtiennent-20-millions-d-euros-d-unilever-pour-demarrer-leur-cooperative_1028062

Article du Monde : http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/05/25/le-retour-des-ex-fralib_4640147_3234.html

1336 jours, des hauts, des bas mais debout, un documentaire français de CLaude Hirsch, durée 1h13, sortie le 22 mars 2017 

Visuels : © affiche et bande-annonce officielles du film
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Gilles Herail

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