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[Critique] « Chocolat » Omar Sy et Roschdy Zem réhabilitent le clown noir Padilla

[Critique] « Chocolat » Omar Sy et Roschdy Zem réhabilitent le clown noir Padilla

06 February 2016 | PAR Gilles Herail

Le quatrième film de Roschdy Zem réhabilite avec justesse une figure noire fascinante, indûment effacée de l’Histoire de France. Le duo Omar Sy / James Thierrée fonctionne parfaitement et Chocolat  parle avec beaucoup d’intelligence de la société coloniale de la Belle Epoque. Un film essentiel.

[rating=4]

Extrait du synopsis officiel : Du cirque au théâtre, de l’anonymat à la gloire, l’incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le duo inédit qu’il forme avec Footit, va rencontrer un immense succès populaire dans le Paris de la Belle époque avant que la célébrité, l’argent facile, le jeu et les discriminations n’usent leur amitié et la carrière de Chocolat. Le film retrace l’histoire de cet artiste hors du commun. 

Le quatrième film de Roschdy Zem après Mauvaise foi, Omar m’a tuer et Bodybuilder n’est pas un projet comme les autres car il participe à une entreprise plus large : l’écriture d’une Histoire de France métissée. Le budget du biopic est imposant (près de 20 millions d’euros) et la popularité d’Omar Sy a permis de monter un long-métrage qui sera on l’espère précurseur et donnera envie d’immortaliser sur grand écran d’autres figures essentielles comme Gaston Monnerville ou Joséphine Baker. Chocolat réhabilite un destin et un parcours fascinants, qui n’auraient jamais du tomber dans l’oubli. A travers le portrait de la première star noire hexagonale, adulée puis rejetée par le Paris du début du 20ème siècle. Un artiste dont le duo avec un clown blanc symbolise à lui tout seul les représentations raciales de l’époque coloniale (parfaitement illustrée par un article de l’époque du Figaro que le quotidien a ressorti des cartons).

La reconstitution historique, les décors et la photographie manquent d’ampleur, n’égalant pas d’autres grosses productions françaises comme La Môme d’Olivier Dahan ou Faubourg 36 de Christophe Barratier. Roschdy Zem apporte en revanche du sérieux et du fond dans la description de l’univers du cirque. Grâce à un scénario qui prend le temps de s’intéresser à la mécanique des numéros et aux répétitions, dans une première partie qui voit grandir la complicité des duettistes. L’idée d’offrir un rôle d’importance à James Thierrée était excellente car l’artiste donne une crédibilité technique immédiate à son personnage, entraînant Omar Sy dans son sillage. Les deux acteurs forment un passionnant couple de cinéma: le clown blanc et l’Auguste, le triste et le joyeux, le bourreau et la victime. Au sein d’un duo dont le succès repose sur la perpétuation de stéréotypes raciaux.

Le film se recentre petit à petit sur la figure de Chocolat, qui ne supporte plus d’être réduit aux clichés humiliants qui ont fait son succès et souhaite exister avant tout en tant qu’artiste. En contestant la répartition des rôles avec Footit et en cherchant à voler de ses propres ailes au théâtre. L’échec de ce projet de reconversion, brisé par les barrières raciales d’une société profondément marquée par l’idée de suprématie blanche, donne au film ses séquences les plus émouvantes, grâce à un Omar Sy très investi. On pourra reprocher à Roschdy Zem de trop suivre les canons scénaristiques du biopic à l’américaine, retraçant la genèse,  l’envol, l’apogée et la chute d’un artiste hors-normes. Les dernières séquences sont d’ailleurs un peu faiblardes mais ce choix assumé permet de reconnaître à Rafael Padilla une dimension romantique et pleinement cinématographique.

Une rock-star de l’époque, fêtard, joueur, séducteur, compensant un manque de discipline par un sens inné de la situation et de l’improvisation. Un “nobody”, fils d’esclave, qui va devenir une immense célébrité avant de retomber dans l’oubli. Un héros noir comme le cinéma français en a rarement proposé. Roschdy Zem a réussi un film soigné, intelligemment écrit, techniquement maîtrisé, qui réussit à allier le divertissement et la profondeur thématique. Quelque soit le succès du film, qui mérite de rencontrer un large public, Chocolat a déjà gagné en inscrivant le nom de Rafael Padilla dans notre mémoire collective et en immortalisant le destin d’une figure que la France avait voulu oublier. Et c’est déjà un bel exploit.

A noter: une exposition est consacrée à Rafael Padilla à la maison des Métallos.

Gilles Hérail

Chocolat, un biopic français de Roschdy Zem avec Omar Sy et James Thierrée, durée 1h50, sortie le 03/02/2016

Visuels : ©  affiche et bande-annonce officielles du film
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