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[Critique] “All is Lost”, le mythe Robert Redford, sublime

[Critique] “All is Lost”, le mythe Robert Redford, sublime

04 December 2013 | PAR Olivia Leboyer

AIL3

Au Festival de Deauville, où il a obtenu le Prix du Jury (remis par Vincent Lindon, qui venait lui-même d’interpréter un marin dans Les Salauds de Claire Denis), All is Lost nous avait déjà bouleversés. Deuxième fois, et même émotion : un grand film ! Le 11 décembre sur les écrans.

[rating=5]

All is Lost est l’un de ces films précieux, qui marquent. J. C. Chandor (réalisateur du très réussi et glaçant Margin Call) nous offre un grand film américain, qui n’a pas peur de ses mythes : c’est un peu Le vieil homme et la mer d’Hemingway, dans sa force et sa simplicité. Mais surtout, c’est le Cinéma américain, avec le visage de Robert Redford. Sous nos yeux, un marin vieillissant lutte pour sa survie : un container rempli de baskets a heurté son bateau, en plein océan Indien. L’accident est stupide, absurde et, soudain, cet homme intrépide comprend que la fin est proche. Durant près de deux heures, nous allons suivre, geste après geste, les efforts de Robert Redford pour rafistoler son bateau et survivre. Quasiment aucune parole : au tout début du film, en voix off, nous entendons quelques mots d’adieux désolés (« I’m sorry », lance Redford à ses proches et, également, à nous). Une phrase, jetée dans le vide, la radio n’émettant plus : « This is the Virginia Jean for an SOS call. Over ». Puis, à une ou deux reprises, un juron, un cri. Ce sera tout. Le reste du temps, justement, aucun temps mort : nous assistons, rivés à notre fauteuil, à la lutte acharnée d’un homme pour se maintenir en vie.

Alors, oui, c’est tellement américain : et c’est tellement beau… Surtout lorsque l’homme est Robert Redford. Ce All is Lost ponctue sa filmographie (ce n’est pas son dernier film) de manière sublime, en lui donnant un sens encore plus fort, plus affirmé. Oui, Robert Redford, c’est Hubbell Gardner, c’est Sundance Kid, c’est Jeremiah Johnson, c’est le Condor, c’est Denys Finch Hatton, c’est le cavalier électrique, c’est Gatsby… Robert Redford incarne le héros, l’anti-héros (Le Cavalier électrique), l’homme au contact de la nature (Into the wild avant Sean Penn !, Jeremiah Johnson ou Et au milieu coule une rivière), le justicier, tellement d’hommes extraordinaires que son visage, filmé en gros plan dans l’attente de la mort, ne peut que nous bouleverser. Nous voyons sombrer un homme et, au-delà, une idée merveilleuse et folle de l’homme. J. C. Chandor scrute un naufrage, mais surtout une lutte, un combat à la fois épique et très prosaïque, pour la vie. Car il n’y a rien d’emphatique ici, aucune utilisation de la musique à des fins lacrymales (un simple motif musical, superbe, et distillé au compte-gouttes), rien d’excessivement spectaculaire.

J. C. Chandor s’attache à chacun des gestes de l’homme, avec minutie. Pied à pied, Robert Redford colmate, bricole, tente de bidouiller une radio cassée, mange des légumes en boîte, se cogne la tête contre une poutre, enfile un K-way… Epuisé, Robert Redford va chercher ses dernières forces pour les jeter dans la bataille.

Fascinant, le film se ferme sur une image de cinéma inoubliable.

All is lost, de J. C. Chandor, 2013, 1h46, avec Robert Redford. Sortie le 11 décembre 2013.

Visuels : © affiche, photos, et bande-annonce officielles du film

http://www.youtube.com/watch?v=_IvBhHFwQ8M

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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