L’orrible effet Cathartique
Est-ce que se servir d’un caddie pour faire du bruit est vraiment de l’art ? C’est la question que je me suis posée lors de la performance du trio d’artistes « Jeune fille orrible », composé de Janin Beneck, Frederic Danos et Olivier Nourrison, qui s’est déroulée dans le jardin de la Maison Populaire de Montreuil mercredi 6 mai à 20h.
Juste avant le début de la performance, le groupe a rassemblé des objets éparses venus des alentours : Caddie de supermarché, bâtons, chaise, table de jardin,… afin de s’adonner à un petit concert pas comme les autres.
Les spectateurs étaient rassemblés, à la demande du trio, sur la pelouse de la maison Populaire, où l’événement a débuté.
La performance commence alors timidement. Des spectateurs n’ont pas l’air de s’en rendre compte et continuent de discuter. Plus les bruits s’accentuent, plus les voix font silence. Un des artistes s’empare d’une chaise et la balance devant lui. Janin Beneck de son côté s’accroupit pour frotter le dos d’une poêle contre une bûche. Le troisième empoigne une table de jardin, disparaît derrière les branches d’arbres feuillus qui dominent le mur sur lequel il plaque la table et la frotte. Chaque mouvement produit un son. Un caddie s’explose par terre à quelques centimètres des spectateurs, manquant de les blesser. Un seau frotté contre un mur fait un bruit assourdissant. Mademoiselle Beneck, avec son bâton, frappe à de nombreuses reprises contre des fils de barbelé qui surplombent les murs de la Maison Populaire. Le simple déplacement du bâton produit lui même un son.
Tout le long, des réactions du public émergent. Certains spectateurs éclatent de rire. D’autres ont un petit rictus. Un autre a la mine blasée. Une voix s’élève, puis une seconde. Deux spectateurs mécontents, disent : « on n’est pas au théâtre tout de même ! On est en extérieur, si on ne peut même plus réagir ». L’un puis l’autre s’engueulent avec une jeune femme, qui réclamait deux secondes auparavant un peu de silence afin de filmer la performance sans avoir leurs réactions. Le show se poursuit du côté des artistes. Ils tapent, frottent, jettent de plus belle tous les objets qu’ils trouvent.
Après une demi-heure d’intense représentation, chacun rassemble deux ou trois objets en une « composition artistique ». La performance prend fin mais une nouvelle œuvre vient d’être créée.
S’il est vrai que tout cela n’a rien de neuf (cela rappelle ce que faisait John Cage dans les années 60) l’intérêt de cette performance vient du fait qu’elle est en continuité avec l’exposition « un plan simple (scène) ». Il n’y a plus aucune frontière entre les spectateurs et la scène. Ainsi cette performance a un effet semblable au théâtre cathartique. Elle trouble l’âme pour ensuite mieux l’apaiser.
Vanessa Prudent
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2 thoughts on “L’orrible effet Cathartique”
Commentaire(s)
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danos
merci pour cette charmante chronique. Un petit erratum : Pour cette performance, janin benecke, en tournée américaine, était remplacée par audrey gaisan-doncel.
La manipulation d’objets remonte plus loin que Cage, elle passe par le Cabaret Voltaire et la manipulation des objets sémiotiques de la poésie sonore, se perd dans les traditions de charivari et autres boucans pratiqués de tous temps pour repousser les esprits maléfiques.