Arts

Le meilleur des mondes : A la découverte des collections du Mudam (Luxembourg)

15 February 2010 | PAR Yaël Hirsch

Jusqu’au 23 mai, le Mudam (Musée d’Art Moderne Grand Duc Jean) montre une partie de son impressionnante collection d’art contemporain sous forme d’interrogation. Le meilleur des mondes dépeint par Huxley est-il le nôtre ? Les 90 artistes contemporains de l’exposition méritent un petit voyage dans la ville de Luxembourg. Surtout qu’au même moment le casino montre lui aussi une vingtaine de plasticiens contemporains autour du thème original et percutant de nos vies quotidiennes dans son exposition « everyday(s) ».

I. M. Pei Architect Design © Photo : Christian Aschman, 2009

Niché dans le parc des « Trois glands » et bâti en continuité avec les vestiges d’une forteresse du XVIII è siècle, le Mudam est l’un des trois musées d’Europe (avec la pyramide du Louvre et le Deutsches Historisches Museum de Berlin) à avoir été construit par l’immense Ieoh Ming Pei. En Pierre de bourgogne et avec d’immenses espaces en verre laissant filtrer des tombereaux de lumière, il est un écrin parfait pour les 423 œuvres de la collection réunie depuis 1996 au sein du Fonds Culturel National, devenu la Fondation Mudam. Le nouveau directeur du Mudam, Enrico Lunghi, qui a pris le relais de Marie-Claude Beaud en janvier dernier, a décidé de montrer dans l’exposition « le meilleur des mondes » comment la collection du Mudam est « une collection engagée dans le monde ». Suivant le fil rouge de l’illustre distopie écrite par Aldous Huxley en 1932, il propose une sélection de110 œuvres (90 artistes)selon 4 thèmes différents et qui racontent 4 histoires totalement ouvertes à l’interprétation du visiteur. Celui-ci est cependant guidé dans chaque thème par une phrase d’exergue, tirée du livre de Huxley.

A l’entrée du musée, le prologue illuminé de Sylvie Blocher doit mettre en parallèle ce chant politique qu’est l’Internationale et ce chant supposément ludique qu’est le cri des 7 nains de Disney (Hey ho hey ho).

Sylvie Blocher, Men in Pink, 2001, © Photogramme : Sylvie Blocher

« De nos territoires » présente à travers le regard de divers artistes nos contrées imaginaires. Certaines sont de violents champs de batailles (superbe plateau de Jan Fabre), des contrées interdites (les dessins de lieux interdits à la photographie d’Alexandra Croitoru), des interrogations sur la langue comme lieu des images (installation de Pierre Bismuth autour du Livre de la Jungle), ou des labyrinthes interdits (salle dans le noir où des fils barrant le passage sont visibles aux rayons ultraviolets de Claude Levêque).

Jan Fabre, Strategieveld (de Slag bij Gulliver), 1998, © Photo : Christian Mosar

Ne manquez surtout pas la poétique fontaine baroque d’encre chinoise imaginée par Su Mai Tse pour lier des époques  et des contrées que tout éloigne.

« De nos visages » présente une image humaine étrangement inquiétante. Dans « Beijing Holiday », Edgar Honetschläger ballade une poupée de Madame Tchang Kaï-Check en reprenant plan par plan le film Vacances romaines de William Wyler. Quelques clichés récents de Cindy Sherman font grimacer de fascination tandis que les portraits glacés des femmes vues par Katrin Freisäger semblent désincarnées. D’autres grands noms de la photo sont présents dans cette galerie de portraits distordus, parmi lesquels Thomas Struth, Nan Goldin et Gilbert & George. La thématique se clôture par une série de portraits vidéo de Marina Abramovic.

Cindy Sherman, Untitled # 318 (Mask), 1996, © Photo : Christof Weber

« De nos artifices » interroge notre rapport à la nature. Une grande installation de Kim Sooja fait voler la soie délicate de tissus de Corée. Des photos de Gusrky, Günter Förg, et Thomas Ruff dépeignent nos architectures et nos créations en astres ou désastres, tandis que Bruno Baltzer montre un fête foraine fantôme dans la ville de Luxembourg. La thématique se ferme sur une analogie toute baudrillardienne de Claude Levêque entre Auschwitz et Disneyland.

Enfin, au sous-sol, « De nos vies intérieures, de nos rêves, et de nos cauchemars » ouvre la porte vers un univers neo-surréaliste absolument stupéfiant. La traversée de ce sous-sol se fait comme dans un rêve et on laisse lentement son inconscient entrer en résonance avec la gigantesque sculpture de Tony Craigg, avec les Polders de Tatiana Trouvé et sous forme de rire un peu jaune,  avec les poèmes criant leur inanité en néons de Maurizio Nannucci, avec le faux film gore sur le monde l’art du luxembourgeois Antoine Plum (réalisé pour la biennale de Venise en 2005).

Maurizio Nannucci,The Missing Poem is the Poem, 1969, © Photo : Roman Mensing / www.artdoc.de

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas encore le Mudam, l’exposition « le meilleur des mondes » est l’occasion d’aller découvrir le bâtiment de Pei, sa lumière, et aussi les pièces permanentes du musée : la chapelle pas très orthodoxe et totalement neo gothique de Wim Delvoye, ainsi que le portrait du Grand Duc du Luxembourg par Stephan Balkenhol.

Le Mudam propose également des projections sur grand écran d’artistes des collections dans le cadre du cinémudam, et 6 artistes viendront parler dans l’enceinte du musée ce printemps (KimSooja, Jan Fabre, Chad McCail, Gusrky et Ruff & Becher).

Danica Phelps

Enfin, en ville, le Casino de Luxembourg est un forum d’art qui vernit en même temps que le Mudam et son exposition « everyday(s) » permet de découvrir – en pleine réflexion sur le quotidien -une vingtaine de jeunes artistes. Parmi eux : Valerie Mrejen que nous ne présentons plus au public français, les vidéastes David Bestué & Marc Vives, qui déforment avec humour tous les gestes du quotidien dans leur appartement de Barcelone, Bruno Baltzer (aussi présent au Mudam) qui photographie avec une violence toute œdipienne son père debout dans une piscine vide et qui se remplit au fur et à mesure que les clichés sont pris, et enfin Danica Phelps dont le journal intime explose en esquisses reproduites après ventes et qui interpelle sur l’intime, la reproduction, et l’argent.

« Le meilleur des mondes. Du point de vue de la collection Mudam », jusqu’au 3 mai 2010, Mudam (Musée du Luxembourg, Musée d’Art Moderne Grand Duc Jean , 3 Park Draï Eechelen, L-99, Luxembourg, TGV gare du Nord-Luxembourg (un peu plus de deux heures), mer-ven, 11h-20h, sa-lun 11h-18h, fermé le mardi,5 euros (TR 3 euros), infos : +352 45 37 85-960.

« Everyday(s) », jusqu’au 11 avril 2010, Casino Luxembourg, 41, rue Notre Dame, L-2015, Lun, mer, ven, 11 h 00 – 19 h 00, Jeu, 11 h 00 – 20 h 00, Sam-dim, 11 h 00 – 18 h 00, 4 euros (TR 3 euros), infos : +352 22 50-455.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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