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[Interview] Shojono Tomo : une artiste transversale décalée et sans langue de bois

[Interview] Shojono Tomo : une artiste transversale décalée et sans langue de bois

16 November 2013 | PAR Sandra Bernard

 

 

Shojono Tomo est une artiste japonaise polymorphe qui a su préserver son âme d’enfant. Ce petit brin de femme, dont la notoriété n’est plus à faire dans le monde de la création contemporaine et du design, est peu intéressée par le qu’en dira-t-on. Shojono Tomo, dont le nom signifie littéralement l’amie des enfants, trace son chemin coloré et trash à la limite du punk kawaii. TLC a eu la chance d’interviewer cette artiste atypique lors du Tokyo Crazy Kawaii Paris.

Toute la culture (TLC) : Pour vous que représente la notion de “Kawaii” ?

Shojono Tomo : Pour moi, c’est quelque chose de naturel, quelque chose dont on n’a pas conscience. C’est un sentiment que je ressens lorsque je vois un bébé et que ça me fait un pincement au cœur.

TLC : Quelle a été votre réaction quand on vous a proposé de participer au Tokyo Crazy Kawaii Paris ?

Shojono Tomo : J’avais été invitée par le Centre Pompidou afin de participer à la manifestation de Pop culture japonaise [Planète Manga (du 11 février au 27 mai 2012)] mais cela a finalement été annulé, aussi suis-je très contente d’être ici.

TLC : Que pensez-vous de la politique du “cool japan” mise en place depuis quelques années par le gouvernement Japonais ?

Shojono Tomo : L’effet économique est assurément positif, cependant, l’on peut penser que cela représente un affaiblissement de la psyché avec le retour à l’enfance et l’enfermement. Ainsi, dans mon travail, je montre ces deux aspects, c’est en cela qu’il peut déplaire.

TLC : Que pensez-vous de l’engouement de la France pour la culture japonaise ?

Shojono Tomo : J’aimerais que les français connaissent d’avantage la culture japonaise pour en apprécier toutes les facettes et subtilités. Aimant beaucoup les mangas, je souhaite que cela se développe d’avantage.

TLC : Quelles sont vos sources d’inspiration ? Côté mode et textile avez-vous un créateur ou style préféré ?

Shojono Tomo : Je suis un peu embêtée, depuis toute petite je n’ai pas vraiment d’idole. Toutefois, j’apprécie le travail de Shôtarô Ishinomuri et de Kazuo Umezu . Je me suis rendue compte que dans leurs œuvres, ce sont souvent les enfants les vrais héros et c’est ce qui me plait. Du côté Occidental, j’apprécie particulièrement Niki de Saint Phalle et Vincent Van Gogh. On m’a déjà dit que mon travail ressemblait à de l’art brut. J’ai raté la grande exposition  au Japon, mais quand je regarde ces œuvres d’art brut, cela me parle.

Côté mode, non pas vraiment. J’aime les styles de la rue, des chanteurs de rock, des skateurs, etc.

TLC : Vous-définissez-vous comme une artiste totale* ?

Shojono Tomo : J’ai du mal à définir mon travail, mais quel que soit le médium, le message est le même.

TLC : Votre travail est-il une réaction à la société actuelle ?

Shojono Tomo : Il s’agit de mon expérience personnelle. Dans mon enfance, j’avais des rapports difficiles avec ma mère car je rapportais toutes sortes de détritus trouvés dans la rue. Quand je gagnais des prix pour mes dessins, mes parents étaient contents, mais moi, j’avais l’impression de le faire pour eux et j’étais triste. Le dessin m’a empêché de mal tourner, d’où ma propre connotation ambivalente du “kawaii” car mes parents préféraient ma soeur. Mon travail m’apporte un équilibre personnel.

TLC : Quel a été le déclencheur de votre explosion à l’international ?

Shojono Tomo : Un journaliste anglais a voulu me draguer dans une boite, finalement il m’a lancée et nous sommes amis pour la vie. En 2005, une voyante m’a dit d’aller en Europe. J’ai donc accepté la proposition d’une exposition en Allemagne. Ça a marché et depuis je reviens chaque année.

TLC : Quelle est votre opinion concernant l’univers Kawaii trash de Kyary Pamyu Pamyu ?

Shojono Tomo : (rires) Elle semble se forcer un peu. Dernièrement elle a affirmé qu’elle aimerait s’habiller plus en noir. Quoi qu’il en soit, c’est un personnage dont les gens ont besoin. Elle doit avoir d’autres qualités, mais sous exploitées.

TLC : Nous voici arrivées aux dernières questions. Vous êtes déjà venue plusieurs fois en France, que vous inspire la culture française ?

Shojono Tomo : Childplay, une de mes œuvres, est un mix entre culture japonaise et scandinave, je voulais en réaliser une du même type en France, mais je me suis rendue compte que c’est surtout la Révolution française qui domine dans ma perception de la France. J’ai également beaucoup appris dans la Rose de Versailles (Lady Oscar en VF).

TLC : Avez-vous un message pour le public français ?

Shojono Tomo : Je suis très heureuse d’avoir pu échanger sur ce salon avec les personnes qui sont venues me voir. Même si certains ne parlaient pas anglais, ils ont tout fait pour se faire comprendre et ça m’a touché, car c’était des admirateurs et pas des personnes intéressées par le business. Au Japon, la barrière de la langue est très importante, aussi les gens hésitent à communiquer.

TLC remercie Shojono Tomo ainsi que la traductrice du Salon pour le temps qu’elles nous ont accordé et pour avoir bien voulu répondre (et traduire) nos questions.

*Se dit d’un artiste pratiquant plusieurs disciplines artistiques (ici le dessin, la sculpture, la création textile)

Site de Shojono Tomo

Visuels : © Sandra BERNARD

Interview vidéo réalisée par Tokyo Fashion.

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Sandra Bernard
A étudié à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense l'Histoire et l'Histoire de l'Art. Après deux licences dans ces deux disciplines et un master recherche d'histoire médiévale spécialité histoire de l'Art dont le sujet s'intitulait "La représentation du costume dans la peinture française ayant pour sujet le haut Moyen Âge" Sandra a intégré un master professionnel d'histoire de l'Art : Médiation culturelle, Patrimoine et Numérique et terminé un mémoire sur "Les politiques culturelles communales actuelles en Île-de-France pour la mise en valeur du patrimoine bâti historique : le cas des communes de Sucy-en-Brie et de Saint-Denis". Ses centres d'intérêts sont multiples : culture asiatique (sous presque toutes ses formes), Histoire, Histoire de l'Art, l'art en général, les nouveaux médias, l'art des jardins et aussi la mode et la beauté. Contact : sandra[at]toutelaculture.com

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