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[INTERVIEW]: Pierre Roy-camille: “Mes peintures sont une volonté de retranscrire des instants de mémoire”

[INTERVIEW]: Pierre Roy-camille: “Mes peintures sont une volonté de retranscrire des instants de mémoire”

16 March 2016 | PAR Christophe Dard

Le souvenir avec le Crépuscule… C’est le joli titre donné à la première exposition personnelle de Pierre Roy-camille jusqu’au 2 avril 2016 à la galerie Maeght à Paris. Ses oeuvres de grandes dimensions représentent une réalité figurative, une végétation fournie qui semble submerger une présence humaine rare à l’instar des dernières lueurs du jour épuisées et avalées par la nuit.
Toute la Culture a rencontré Pierre Roy-camille.

 

La Fore?t d'E?meraude, 2014 Acrylique sur panneau de bois 175 x 122 cm
La Forêt d’Emeraude, 2014 Acrylique sur panneau de bois 175 x 122 cm

 

La nature est au crépuscule mais l’inspiration de Pierre Roy-camille est à l’aube d’une intense création artistique et de plusieurs séries. Talentueux sur tous les supports (le dessin, la gravure, la peinture murale, le numérique et la vidéo), l’artiste nous laisse sans voix devant ses tableaux présentés à la galerie Maeght jusqu’au 2 avril 2016.
Les motifs, les végétaux, les vagues et les rochers sont des volutes qui montent des panneaux de bois aux yeux du spectateur dans des ensembles qui rappellent les peintures rupestres, l’art oriental et japonais mais aussi l’abstraction et même la publicité.
Entre un sentiment d’apaisement et d’inquiétude, entre Haïti et la Martinique, l’île de naissance de l’artiste, les oeuvres de Pierre Roy-camille mettent les représentations figuratives face à leurs propres responsabilités, celles de susciter l’imagination et de réinventer une réalité trop évidente.
Pierre Roy-camille parle de son travail et de ses oeuvres pour Toute la Culture.

 

Vues de l’exposition. Photos Eric Alexandre. © Galerie Maeght, Paris
Vue de l’exposition. Photo Eric Alexandre. © Galerie Maeght, Paris

 

Cette exposition présente une série de tableaux aux motifs variés. Quel a été le déclic, le point de départ de ces oeuvres ?
Pierre Roy-camille: Le souvenir avec le Crépuscule est un extrait des Poèmes Saturniens de Paul Verlaine et cela m’a marqué. Je suis également influencé par la musique, le classique, le jazz et le reggae.
Le motif est une préoccupation qui traverse mon processus créatif. Ce motif a un double sens, la motivation du propos et le motif graphique, la répétition. Il y a ce que l’on porte en nous, nos sentiments, notre personnalité propre mais ce n’est pas forcément de cela dont on va parler de manière immédiate. Nous allons nous approprier un motif que l’on va travailler, étirer et de cette “broderie” va émerger, en creux, tout ce qui nous appartient, une personnalité, une certaine manière de voir les choses, mon interprétation de ce motif.
Je fais très peu de rangement et de hiérarchisation dans mon travail. Ce sont des idées, des souvenirs, des impressions et des rêves qui se mélangent et dialoguent. Ces différentes séries que je réalise et qui peuvent paraître hétérogènes sont finalement amenées à évoluer de manière parallèle et transversale, à dialoguer entre elles et à se répondre et même à se mélanger parfois. Tout cela développe une mosaïque d’impressions. Le titre de l’une des series exposées, Surnaturels, est l’évocation, la révérence à une nature transcendante et qui porte en elle-même beaucoup de racines et de courants différents.

 

Sans titre 2015 Acrylique sur papier 70,5 x 50 cm
Sans titre
2015
Acrylique sur papier
70,5 x 50 cm

 

Que symbolise cette végétation nocturne, exotique et luxuriante que l’on retrouve dans les series Surnaturels et Whinning Skill ?
Pierre Roy-camille: Cette obsession du motif naturel, végétal mais aussi plus tellurique (les nuages, les vagues, les rochers…) permet de renouer avec une conception assez contemplative de la nature et de regarder cette nature et ce paysage comme un miroir.
Je travaille beaucoup sur l’idée de souvenir et de mémoire. Elle comporte différents tiroirs, personnel, familial, historique et culturel. Cette mémoire s’augmente d’un aspect fantasmé puisque l’accès à cette mémoire évolue avec le temps. Mes peintures sont comme une volonté de retranscrire des instants de mémoire.

 

Stranded, 2014 Acrylique sur panneau de bois 175 x 122 cm
Stranded, 2014 Acrylique sur panneau de bois 175 x 122 cm

 

Vos oeuvres renvoient à plusieurs styles et époques de l’histoire de l’art notamment la peinture rupestre. Estimez-vous renouer avec l’art des origines de l’humanité?
Pierre Roy-camille: Lorsque l’on regarde une image nous avons des réflexes en tant que spectateur, des réflexes présents en nous: qu’est-ce que je regarde? Qu’est-ce que je représente? Je prends bien sûr en compte cela et j’essaye d’en jouer mais mes attentes en tant que créateur et en tant que spectateur sont ailleurs. J’aime pouvoir mettre une personne face à une image et à partir du moment où elle commence à en saisir l’origine et le sens, l’image a déjà fait un pas de côté. C’est pour cela que j’utilise beaucoup de techniques différentes qui puisent leurs origines dans les techniques d’impression, de photographie et de peinture.
J’aime avoir un tableau vert d’une part et un tableau rouge d’autre part et les mettre en rapport. J’aime avoir un tableau comportant des choses plus graphiques, des lignes de fer forgé, de portails, et les faire communiquer avec la végétation afin de créer une cohabitation tout en gardant l’esprit d’empreinte.

 

Vue de l’exposition. Photo Eric Alexandre. © Galerie Maeght, Paris
Vue de l’exposition. Photo Eric Alexandre. © Galerie Maeght, Paris

 

Parlez-nous de la série Heaven’s door
Pierre Roy-camille: Heaven’s door est la volonté de concevoir la surface picturale comme une interface. Les tableaux sont des miroirs. La surface existe mais elle cache la représentation d’un monde magique et différent de celui dans lequel nous vivons.
J’élabore une réflexion philosophique sur la question du rapport à d’autres réalités. Une des références les plus évidentes est le rapport à la mort que je perçois comme une continuité d’un état avec un autre. L’origine de cette série vient des portails en fer forgé qui ferment les caveaux du cimetière du Père-Lachaise. Ces pièces sont romantiques et spirituelles. Les caveaux ressemblent à des mausolées à la grandeur des hommes, face à l’éternité. La nature y reprend ses droits avec des altérations, la rouille et les racines qui soulèvent certaines dalles. Ce dialogue me plait beaucoup.

Propos recueillis par Christophe Dard.

 

INFORMATIONS PRATIQUES:
Le souvenir avec le Crépuscule
Pierre Roy-camille
Jusqu’au 2 avril 2016
Galerie Maeght
42 rue du Bac 75007 Paris
Ouverte le lundi de 10h à 18h et du mardi au samedi de 9h30 à 19h
01 45 48 45 15
www.maeght.com/galeries

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Christophe Dard
Titulaire d’un Master 2 d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Dard présente les journaux, les flashs et la chronique "L'histoire des Juifs de France" dans la matinale (6h-9h) sur Radio J. Il est par ailleurs auteur pour l'émission de Franck Ferrand sur Radio Classique, auteur de podcasts pour Majelan et attaché de production à France Info. Christophe Dard collabore pour Toute la Culture depuis 2013.

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