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Résonances au musée des Beaux-Arts de Rouen : un dialogue entre l’art contemporain et les classiques

Résonances au musée des Beaux-Arts de Rouen : un dialogue entre l’art contemporain et les classiques

05 March 2018 | PAR Christophe Dard

Jusqu’au 13 mai 2018, le Fonds régional d’art contemporain Normandie Rouen s’associe au musée des Beaux-Arts pour y présenter ses dernières acquisitions entrées dans sa collection au cours de ces cinq dernières années.

 

Alexandra BACHZETSIS, The Stages of Staging, 2013. Photographie couleur C-print, 84,1 x 118,9 cm Collection Frac Normandie Rouen
Alexandra BACHZETSIS, The Stages of Staging, 2013. Photographie couleur C-print, 84,1 x 118,9 cm Collection Frac Normandie Rouen

 

Fondé en 1983, le Frac Normandie Rouen possède une collection d’envergure internationale constituée actuellement de plus de 2400 œuvres conçues par 660 artistes. Au cours de ces cinq dernières années, une centaine d’entre elles, des photographies, des dessins et des livres d’artiste, ont été acquises et elles ont le privilège, jusqu’au 13 mai 2018, de s’installer au musée des Beaux-Arts dont les murs sont parés de l’une des plus prestigieuses collections de France, de la fin du Moyen-Age à nos jours. La liste des artistes illustres exposés au musée des Beaux-Arts est longue : Clouet, Caravage, Velasquez, Poussin, Géricault, Delacroix, Modigliani ou bien encore la famille Duchamp.
C’est donc aux côtés des « classiques » que l’art contemporain s’affiche autour de thématiques communes, preuve que l’art est un puissant écho depuis des siècles. Imprévisible, travesti dans des formes d’expression nouvelles, l’art déambule librement dans le présent et affronte le futur avec dans les veines les images des audaces précédentes.

 

Thomas BARBEY, Rochers à marée basse IV de la série « Rivages », 2015. Rotring et encre de chine sur papier, 40 x 50 cm Collection Frac Normandie Rouen
Thomas BARBEY, Rochers à marée basse IV de la série « Rivages », 2015.
Rotring et encre de chine sur papier, 40 x 50 cm Collection Frac Normandie Rouen

 

La nature

L’exposition Résonances s’ouvre par la nature. La construction en paysage, l’étude scientifique de la matière et les propriétés physiques constituent une recherche constante pour les artistes dans une approche didactique. Les gros plans sur des oignons, des méduses ou des feuilles rappellent les natures mortes à l’âme romantique, les portraits végétaux ou les photographies du 19ème siècle tandis que certaines réflexions étirent la verticalité, l’horizontalité, la perspective des matières végétales et minérales et de manière générale les perceptions afin de proposer une sorte d’abstraction épurée et mystérieuse. Les plaines enneigées du britannique Darren Almond, perturbées par les silhouettes frêles des arbres décharnés, ressemblent à des tableaux abstraits eux-mêmes inscrits dans la lignée de ces paysages de grotte au 18ème siècle.
La nature est également une matière propre avec ses évolutions comme le souligne le film narratif de Hans Schabus. Le paysage marécageux, semblable à un paysage du 19ème siècle, est subitement interrompu dans sa quiétude par l’irruption d’un homme dont la chute est filmée au ralenti.

 

Jean GAUMY, Falaises, Normandie, France, 2015. Tirage pigmentaire, 60 x 80 cm Collection Frac Normandie Rouen
Jean GAUMY, Falaises, Normandie, France, 2015. Tirage pigmentaire, 60 x 80 cm
Collection Frac Normandie Rouen

 

Le corps

La seconde partie de Résonances aborde la thématique du corps, sujet inépuisable pour les artistes depuis longtemps. A l’épreuve de la violence, de la sexualité, des destructions volontaires et involontaires, le corps est traqué jusque dans sa sensibilité la plus profonde. Effets coercitifs de Sophie Dubosc met en évidence la fragilité des corps torturés, réduits à des petits matelas de mousse puis fixés comme une crucifixion éclatée. En miroir, la violence est celle pratiquée par l’homme dans le but d’affirmer une présumée force discutable comme l’évoquent les tirs à la carabine pratiqués par Jonathan Loppin sur un tas de papiers argentiques.
Les mouvements du corps, fragments de l’existence, peuvent déjouer la gravité et flotter dans l’espace mais d’autres chuchotent à l’oreille du temps et sont indissociables du vieillissement telles que l’illustrent les représentions des mains ou des visages. Les imperfections marquent toute l’humanité du sujet. Dépouillé de maquillage et d’artifices, il est une icône à l’instar de l’actrice Béatrice Dalle photographiée en Joconde du troisième millénaire.

 

Collier SCHORR, Untitled (back), 2011. Tirage gélatino-argentique, 71 x 54,5 cm Collection Frac Normandie Rouen
Collier SCHORR, Untitled (back), 2011. Tirage gélatino-argentique, 71 x 54,5 cm Collection Frac Normandie Rouen

 

Espaces architecturés et nouvelles formes de récit

Enfin, la dernière partie de Résonances nous emmène dans les portraits d’intérieur mais pour nous inviter à dépasser l’apparente simplicité du quotidien et découvrir ce qui est caché dans des sortes de non-lieux aux mises en abîme infinies, des représentations subtiles dont s’amusaient déjà les trompes-l’oeil du 18ème siècle.
Puis, pour clore l’exposition, les nouvelles formes de récit montrent que les artistes repensent les structures narratives pour un nouveau langage universel adapté à tous les supports, d’une frise de papier au calendrier.

 

Marina GADONNEIX, Untitled (Hiroshi Sugimoto, time exposed, portfolio), 2014. de la série « Après l’Image ». Tirage jet d’encre, 64 x 76,5 cm Collection Frac Normandie Rouen
Marina GADONNEIX, Untitled (Hiroshi Sugimoto, time exposed, portfolio), 2014.
de la série « Après l’Image ».
Tirage jet d’encre, 64 x 76,5 cm
Collection Frac Normandie Rouen

 

Initiale N filigranée - Parchemin enluminé Italie, deuxième moitié du XVe siècle Musée des Beaux-Arts de Rouen Donation Henri et Suzanne Baderou, 1975 © IRHT-CNRS /Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie
Initiale N filigranée – Parchemin enluminé
Italie, deuxième moitié du XVe siècle
Musée des Beaux-Arts de Rouen
Donation Henri et Suzanne Baderou, 1975
© IRHT-CNRS /Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie

 

En attendant l’exposition au Frac, à Sotteville-lès-Rouen, du 14 avril au 26 août 2018, et dont Toute la Culture vous reparlera, quelques œuvres du Fonds régional d’art contemporain Normandie Rouen correspondent actuellement avec leurs aïeux du musée des Beaux-Arts pour des vis-à-vis passionnants. Les chefs-d’oeuvre semblent se renseigner auprès de la nouvelle génération, surpris de ces médiums que sont les téléphones et les tablettes, et sensibles aux problématiques de notre temps (le réchauffement climatique ou le néo-colonialisme).
Cette excellente initiative permet une ouverture à la création actuelle pour tous les regards qui ne cessent jamais de courir après la découverte et qui ne demandent, encore et toujours, qu’à être étonnés.

Christophe Dard

 

INFORMATIONS PRATIQUES :
Résonances
Jusqu’au 13 mai 2018
Musée des Beaux-Arts
Esplanade Marcel Duchamp 76000 Rouen
Ouvert de 10h à 18h. Fermé le mardi.
02 35 71 28 40
www.mbarouen.fr

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Christophe Dard
Titulaire d’un Master 2 d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Dard présente les journaux, les flashs et la chronique "L'histoire des Juifs de France" dans la matinale (6h-9h) sur Radio J. Il est par ailleurs auteur pour l'émission de Franck Ferrand sur Radio Classique, auteur de podcasts pour Majelan et attaché de production à France Info. Christophe Dard collabore pour Toute la Culture depuis 2013.

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