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“Portraits de Cézanne” au musée d’Orsay : la figure au sommet

“Portraits de Cézanne” au musée d’Orsay : la figure au sommet

13 June 2017 | PAR Géraldine Bretault

Si la Montagne Sainte-Victoire a hanté la peinture de Paul Cézanne tel un personnage à part entière, la figure humaine était une autre de ses préoccupations majeures : près de deux cents portraits sont recensés dans son corpus, dont une soixantaine sont livrés à l’analyse dans cette exposition.

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Un accrochage sobre, sans fioritures, à l’image de la détermination isolée d’un des maîtres de la peinture moderne, Paul Cézanne. Le Musée d’Orsay s’est associé à la National Portrait Gallery de Londres et à la National Gallery of Art de Washington pour réunir des chefs d’oeuvre qui prennent tout leur sens lorsqu’ils sont considérés pour ce qu’ils sont : des études en série, qui n’ont rien à envier aux cathédrales ou aux Nymphéas de Monet, ou encore aux paysages et aux natures mortes du peintre lui-même.

La fascination étrange qu’exercent ses portraits tient à la tension qu’il entretient savamment entre les conventions du genre, à savoir l’unité de l’ensemble, et la facture employée : d’abord lourde de matière appliquée au couteau, durant la période “couillarde” de sa jeunesse, puis enlevée de sa touche “constructiviste” par la suite, Cézanne multiple les explorations techniques pour atteindre son but : trouver l’équilibre entre l’arrière-plan et le sujet, de manière à exprimer la présence de ses modèles par sa touche même.

Si la série de l’Oncle Dominique reste savoureuse, par le goût du travestissement qu’on y découvre – l’oncle en avocat, avec un bonnet de coton, etc. -, les séries de Madame Cézanne, en robe bleue ou rouge, plongent dans une profonde perplexité : les historiens de l’art se sont souvent émus de ses regards vides, vite analysés comme l’illustration de la froideur supposée de leur relation. Pourtant, des analyses scientifiques montrent aujourd’hui que ces regards creux, déjà si proches du masque africain dont Picasso cubiste recouvrira ses modèles, sont en réalité le fruit de remaniements obtenus à partir d’un premier jet souvent plus expressif. Qu’est-ce à dire ? Que malgré leur distance parfois géographique (Hortense et leur fils Paul n’étaient pas les bienvenus au Jas de Bouffan, demeure familiale des Cézanne), Cézanne et Hortense entretenaient une relation silencieuse, tacite, faite de compréhension respectueuse ?

Le mystère reste entier. Demeurent des toiles majestueuses par leur simplicité, qui révélent une maîtrise confondue de la couleur, à laquelle revient la tache d’ordonner les volumes au-delà des contours ou des volumes des corps et des vêtements.

A ce titre, les derniers portraits de Cézanne, autour de la figure anonyme de son jardinier, révèlent avec émotion le dénouement d’une vie dédiée à la peinture. Car, comme le confiait Cézanne au marchand d’art Ambroise Vollard, “L’aboutissement de l’art, c’est la figure”.

 

Visuels © : Paul Cézanne (1839-1906)
Portrait de l’artiste au fond rose, vers 1875 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Achille Emperaire, 1867-1868 © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
L’Avocat (L’Oncle Dominique), 1866 © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Paysan assis, 1900-1904 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

 

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Géraldine Bretault
Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, créatrice et traductrice de contenus culturels. Elle a notamment collaboré avec des institutions culturelles (ICOM, INHA), des musées et des revues d'art et de design. Membre de l'Association des traducteurs littéraires de France, elle a obtenu la certification de l'Ecole de Traduction Littéraire en 2020. Géraldine a rejoint l'aventure de Toute La Culture en 2011, dans les rubriques Danse, Expos et Littérature. Elle a par ailleurs séjourné à Milan (2000) et à New York (2001, 2009-2011), où elle a travaillé en tant que docent au Museum of Arts and Design et au New Museum of Contemporary Art. www.slowculture.fr

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