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Pierre & Gilles fêtent 40 ans de carrière au Musée d’Ixelles

Pierre & Gilles fêtent 40 ans de carrière au Musée d’Ixelles

29 March 2017 | PAR Yaël Hirsch

Avant d’arriver dans une version légèrement modifiée au Muma du Havre, l’exposition célébrant les 40 ans de carrière du couple Pierre & Gilles se niche parfaitement dans le cocon théâtral du Musée d’Ixelles. Une exposition qui parvient à mêler le « fait maison » avec le mythe, le « people » avec l’anonyme et l’intime avec le politique. Et une jolie manière de souffler les bougies de deux artistes vraiment importants.
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Dans la grande salle du Musée d’Ixelles qui prend la forme d’un théâtre sur deux étages, Pierre et Gilles ont installé avec soin les 80 œuvres emblématiques de leurs quarante ans de carrière, venues des quatre coins du monde. Des premières photos des amis prises par l’un et peintes par l’autre d’un cadre coloré et créatif, au travail numérique de la deuxième moitié des années 2010, la sélection installée de manière thématique permet vraiment de prendre la mesure de l’importance et de l’évolution de cet art. Si vous voyez l’exposition à Bruxelles, commencez par l’étage où s’étale plutôt la face intime de l’art du couple, avec des œuvres depuis les années 1980, savamment choisies et entrelacées de vitrines passionnantes où Pierre & Gilles mettent en scène, comme dans une maison de famille, leur intimité, leurs inspirations et leurs goûts.

D’un côté, c’est la narration à la fois épique et intime du succès avec des œuvres emblématiques comme Adam et Eve, première pièce d’inspiration religieuse avec Eva Ionesco et qui fait la une du Figaro Magazine et leur renommée, ou les Pleureuses protectrices des années 1980. D’un autre côté, c’est la vie du couple qui est mythifiée : leur rencontre, leurs jeux de rôles en marins, en homo erectus pleins d’ombre et d’humour, en saints selon leurs attributs respectifs (Pierre & Gilles, donc) et puis l’on sent aussi la nostalgie des 40 ans de carrière et de bonheur avec le pincement au cœur du temps qui passe et du temps passé. Cette vie de couple est aussi politique quand il s’agit du mariage avec deux toiles célébrant le « sacrement » sous forme d’autoportrait, en 1992 et… en 2013, avec en médaillon François Hollande. De politique, il est en fait beaucoup question dans l’art léché et « camp » des deux artistes : du côté des autoportraits, l’on trouve une Nationale 7 haute en couleurs et toutes voiles dehors où Pierre & Gilles jouent pour faire avancer au volant d’une belle bagnole la cause de la diversité. A l’autre bout et l’étage et juste avant de descendre au royaume du mythe, c’est le très symbolique « triangle rose » qui vient clôturer l’espace de l’intime par une injonction à se souvenir pour ne pas répéter les erreurs de l’Histoire.

Au rez-de-chaussée, tout converge vers un triptyque mythologique carrément placé sur la scène d’un théâtre : Narcisse, Ganymède, Méduse et bien d’autre figures grecques inoxydables tendent leurs visages et leurs corps désirables au public tout prêt à applaudir. De l’autre côté, ce sont les saints chrétiens qui sont à l’honneur : et notamment LA figure emblématique, peut-être même avant Saint-Sébastien : La Vierge à l’enfant. Entre les deux, dans le vaste espace de ce théâtre qui se déploie en chapelles comme dans une cathédrales, Pierre & Gilles ont intelligemment condensé leurs mythes personnels, incarnés par des stars (Manson, Von Teese, Deneuve, Tautou, Madonna, Dombasle, Jean Marais, Rosy de Palma et évidemment Stromae….) entre culture populaire et Beaux-Arts : les marins font face aux vierges noires ophéliennes, et les voyous sexys côtoient les réminiscences d’icônes cinématographiques (Fassbinder) ou iconiques (Otto Dix).

Et malgré le mythe et le strass, le politique est encore là avec Zahia en grande Marianne Nationale et un lascif Printemps arabe entre désespoir du corps du martyre et espoir de l’âme du héros, datant de 2011.

En plus de dérouler avec maestria les fils rouges de leur histoire d’amour et de leur œuvre qui s’entremêlent, l’exposition Pierre & Gilles finit de nous convaincre qu’impliqués dans les couleurs unies de notre monde, les deux artistes sont des iconographes indispensables de notre drôle d’époque en quête de sens et de spiritualité.
Visuels : YH et affiche de l’exposition

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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