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Paula Rego a à l’Orangerie : Ombres et Lumières des Contes de fées

Paula Rego a à l’Orangerie : Ombres et Lumières des Contes de fées

21 October 2018 | PAR Yaël Hirsch

Le Musée de l’Orangerie permet de rentrer dans les “Contes cruels” de l’artiste portugaise installée à Londres, Paula  Rego. Thématique, magnifiquement scénographiée, l’exposition nous fait découvrir un univers narratif, expressionniste et féminin où l’art naît et tente de sublimer la peur. 

[rating=5]

Paula Rego a passé 80 ans et se décrit encore comme une petite fille. L’artiste née au Portugal et épouse du peintre anglais Victor Willing travaille et a connu la reconnaissance à Londres où, depuis les années 1980, elle fait figure de seule femme puissante à représenter après Francis Bacon et Lucian Freud un courant figuratif, narratif et hanté de la peinture. De manière résolument thématique, l’Orangerie montre comment Paula Rego creuse encore et encore, entourée de références aussi précises que Goya, Austen, et Genet, les peurs viscérales de l’enfance.

Tout commence avec les “jeux” jamais innocents où des grandes et grosses petites filles maternent des chiens dangereux et tirent dangereusement sur des fis qu peuvent étrangler. Puis, c’est tout en transparence avec les jolies fondations du lieu et sa pierre royale, qu’une galerie de marionnettes grinçantes vient nous accompagner vers la suite du travail de Paula Rego : suspendues aux murailles de l’orangerie, les poupées de son atelier londonien (que Ron Mueck l’a aidée à forger) sont la source concrète de son inspiration. Car c’est bien d’après modèles que la peintre fait vivre ses contes cruels. Sur fond gris, la salle “rondes et comptines” met en scène les illustrations (gravures) des berceuses traditionnelles anglaises par l’artiste dans les années 19980 en parallèle avec des dessins de Goya.

Avec la salle des “contes et fantaisies”, le sexe des petits pervers polymorphe et l’inceste familial que contiennent les contes de fées sont plus que suggérés quand “La fille du policier” (1987) lui cire une grande botte ou quand deux gamines en uniforme tiennent un monsieur en costume sur leur lit avec un œil lubrique. Avec intérêt, on notera néanmoins que ce sont les (jeunes) femmes qui souvent  fesses, fouettent, bâillonnent et violent dans les grandes toiles de Paula Rego et ce sont les garçons, petits ou grands qui se font molester ou abuser. Un discours inversé qui semble renverser la vapeur des toiles de Balthus et qui pourtant de fait que se faire l’écho d’une peur sourde, aveuglante et angoissante sans vraiment suggérer de sortie : sous des faux-airs de vengeance, les discours inversés, même picturaux, et surtout pas en contes, ne sortent pas du trauma mais le reproduisent. Si bien que même si Wendy coud l’ombre (et donc l’âme ) de Peter Pan, si la peintre cloue les hommes à sa toile ou si les danseuses de Paula Rego (joliment mises en perspective avec des Degas) semblent former une armée : c’est la femme qui a peur et les héroïnes restent celles de Bronte ou Jean Rhys.

Sur un cartel on lit que le féminisme de Paula Rego est “viscéral et nuancé”. Oxymore surprenant  pour un univers aussi cauchemardesque et violent où les femmes semblent des ogresses. Et pourtant, quand on mesure la terreur qu’il faut pour infuser ses contes cruels, l’on se rend bien compte que le viscéral n’a pas encore apporté le remède et que oui, na nuance est productive ;  Paula Rego est effrayée comme une jeune bergère dans la forêt des loups, prête à produire encore de nombreuses œuvres …

Visuels : visite de l’exposition (c) YH

affiche : Paula Rego, The Dance [La Danse], 1988
Acrylique sur papier monté sur toile  – 212,6 x 274 cm
© Collection privée / Bridgeman Images

Infos pratiques

Galerie Couillaud Koulinsky
Tourcoing Jazz Festival
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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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