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L’exposition “animer le paysage, sur la piste des vivants” enchante le Musée de la Chasse et de la nature

L’exposition “animer le paysage, sur la piste des vivants” enchante le Musée de la Chasse et de la nature

19 June 2017 | PAR Olivia Leboyer

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Le lieu est singulier, à plus d’un titre. Retiré, intime, le Musée de la Chasse nous rend témoin des liens passionnels entre les hommes et les animaux. Et, comme nous le rappelle le commissaire du Musée, Claude d’Anthenaise, l’endroit est baptisé Musée de la Chasse « et de la nature ». Il s’agit de penser une chasse durale, qui réfléchit sur la défense du vivant, sous toutes ses formes. Conçue sous la houlette du sociologue Bruno Latour, la nouvelle exposition invite à voir mais surtout à pratiquer le paysage. Ici, la forêt de Belval, à l’origine du Musée.

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La nature ne se réduit pas, pour l’homme, à un pur spectacle. L’exposition Animer le paysage, sur la piste des vivants entend, sur un mode ludique, faire prendre conscience aux visiteurs du Musée, sans doute un peu Parisiens, de leur rapport étroit, viscéral, à une nature dont ils font partie. Attentif aux mots, Bruno Latour remarque ainsi que « sauver la nature » agit moins sur l’imaginaire que « défendre la nature », expression qui souligne mieux notre implication.

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Aussi l’exposition offre-t-elle un parcours, un circuit, qui requiert notre pleine participation. Les œuvres présentées proposent un terrain d’expérimentation. Pour, au fond, découvrir des réalités bien simples, que les montagnards, marcheurs ou autres chasseurs connaissent : la nature ne se saisit pas par la seule vue, elle se vit et se pratique. Le territoire que l’on arpente, les animaux dont on piste les traces et les pérégrinations, les paysans dont on écoute la souffrance et le courage, autant d’indices d’une nature à l’œuvre. Pour chaque salle, un verbe d’action : « Traquer », pour Sylvain Gouraud, qui met en scène une série de photographies de forêt légendées, placées de manière accessible ou non pour le visiteur, qui fournit un effort de décryptage. « Capter » pour Sonia Levy et Alexandra Arènes, dont les caméras infrarouge ont saisi des traces nocturnes et mouvantes de trajectoires animales ou humaines au cœur de la forêt de Belval. Ce dispositif lumineux, moderne, restitue la magie d’une forêt qui respire. « Pister » pour Baptiste Morizot et Estelle Zhong Mengual qui nous immergent dans une salle obscure, les pieds enfoncés dans une sorte de matière sable-neige, d’où surgissent d’un coup, par flashs, un ours, un cerf, un chevreuil, un bouquetin, un chamois. Enfin, « Sillonner » pour Thierry Boutonnier, dont l’installation poétique et politique nous rappelle que la parole paysanne pèse, d’un poids de travail et de douleurs. Son « chemin du maïs » est très émouvant.

A l’étage, la salle d’armes accueille l’exposition temporaire de l’artiste Olivier Sévère, autour de l’eau et des pierres, rapportées du Japon. Là-bas, on n’a pas l’habitude de déplacer les objets. Or, Olivier Sévère a non seulement transporté des pierres d’une petite île, mais il les a découpées et réassemblées différemment. Entre les fusils de chasse, d’une beauté hiératique, son film sur le travail de l’eau, premier sculpteur, est projeté. Nous ne pouvons nous empêcher de fureter dans les autres salles du Musée, où les ours, sangliers et renards empaillés nous fixent étrangement. Au mur, les natures mortes fascinent toujours autant, notamment, dans le salon bleu, ce tableau troublant où deux chats aux yeux fous s’entre-égorgent dans une cuisine, entre trois artichauts et des couverts de table.

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L’exposition « Animer le paysage » rend le visiteur acteur, au fil d’une enquête documentée et philosophique. Muni d’un carnet jaune, il recueille des textes explicatifs et cartes, le long de son parcours. Et, pour les amoureux de la montagne que nous sommes, nous nous réjouissons que le tableau choisi pour la première salle représente une vue de montagne (Vue de Stahlheim de Johann Christian Dahl).

Exposition « Animer le paysage », du 20 juin au 17 septembre 2017, au Musée de la Chasse et de la nature, 62 rue des Archives, 75003 Paris, commissariat scientifique Bruno Latour et Frédérique Aït-Touati.

visuels: affiche officielle de l’exposition; photo ©Philippe Boutonnier, photo officielle du salon bleu.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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