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Les années parisiennes de Kandinsky (1933-1944), la sublime exposition du musée de Grenoble

Les années parisiennes de Kandinsky (1933-1944), la sublime exposition du musée de Grenoble

03 November 2016 | PAR Maïlys Celeux-Lanval

Découvrir le crépuscule de l’œuvre de Vassily Kandinsky, de son arrivée à Paris en 1933 à sa mort en 1944, permet de pénétrer le rêve du peintre, lui qui peu à peu sombre dans un sommeil bienfaiteur. Dehors, le nazisme fait rage, la guerre est déclarée, ses toiles sont dites “dégénérées”, mais à l’intérieur de son atelier de Neuilly, en dehors du monde, en dehors même de l’agitation parisienne qu’il a pourtant rejointe en toute hâte, Kandinsky peint avec un soin d’horloger des visions sorties de sa plus profonde intimité. On plonge comme dans un océan peuplé de poissons merveilleux et de paillettes de cosmos… Cette période lui inspirant des toiles d’une intense richesse formelle et colorée, dans laquelle le musée de Grenoble choisit de nous convier du 29 octobre 2016 au 29 janvier 2017.

La sérénité apparente des toiles de Vassily Kandinsky (1866-1944), quand on connait la révolution artistique, historique et littéraire des années 30-40, a tout du conte fantastique. Le peintre semble vivre comme un ermite, reclus dans une grotte faite d’images réconfortantes et apolitiques. Car pour comprendre le sens de ses motifs abstraits, il faut imaginer les heures qu’il a passé à regarder des ouvrages scientifiques, à s’étonner de la forme d’une cellule, à s’émerveiller de la transparence d’une membrane ou du dessin d’un nerf. Ce vivant microscopique fût pour lui (et pour bien d’autres) aussi vertigineux que les vues aériennes du monde que rapportent les premiers aviateurs, et c’est tout un nouveau répertoire iconographique qui s’ouvre aux artistes de la modernité. Kandinsky fait partie de ceux qui ont puisé dans cette imagerie nouvelle une source de formes : puisqu’on découvrait que les êtres vivants se développaient selon des environnement naturels précis, lui pouvait créer ses propres créatures-motifs, en interaction avec ses fonds aux couleurs infiniment subtiles.

Ces formes-là, qu’elles flottent dans un océan de bleu ou qu’elles se déclinent sur des bandes de camaïeux pastels, semblent tour à tour bulles de champagne, étoiles, monstres marins, insectes, lumières de la ville, griffes, fruits, squelettes : telle la fameuse potion de Mary Poppins, elles revêtent un goût différent pour chacun et se savourent avec le charme de l’insaisissable. Le musée propose ici de les découvrir année par année, de la disparition des formes géométriques que le peintre tenait du Bauhaus (il leur fait son adieu en 1933 dans Développement du brun) à l’avènement hallucinatoire du Bleu de ciel de 1940.

Petit à petit, il semble toutefois que cet œuvre ne peut pas être entièrement apolitique, et qu’au contraire l’aspect naturel, biomorphique des formes de Kandinsky distille un message d’espoir. Car ses motifs, s’ils flottent dans le liquide amniotique du ventre du créateur, sont à bien y regarder quasiment vivants, presque mouvants ; pour peu que l’on s’attarde un peu devant une œuvre comme Entassement réglé (1938), on finit par se demander si ces formes peintes ne seraient pas en réalité en pleine mutation. Ainsi, elles pourraient accoucher d’un monde nouveau, un monde où la joie et la luminosité de ses toiles, qui ressemblent bien souvent à des fêtes, se dilueraient dans l’univers des hommes et deviendrait paix et liberté. Car la joie est politique, le geste de Kandinsky peut se comprendre comme une lutte intérieure contre le fascisme gris et droit qui tente de faire taire la vivacité artistique exceptionnellement riche des années 40 : le voilà finalement entendu, dans les salles délicatement ordonnées du musée de Grenoble. Méconnue, cette période de l’œuvre du peintre se révèle en être la plus féconde. Une exposition à voir, avant que le soleil ne se couche sur le monde…

Informations pratiques : 
Kandinsky, les années parisiennes (1933-1944)
Au musée de Grenoble
Du 29 octobre 2016 au 29 janvier 2016
Tarifs : 8 (tarif plein), 5 (tarif réduit)

Infos pratiques

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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