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[Interview] Nicolas Panayotou : “C’est un travail de résistant pour moi la peinture. Tu résistes au temps.”

[Interview] Nicolas Panayotou : “C’est un travail de résistant pour moi la peinture. Tu résistes au temps.”

25 June 2015 | PAR Yaël Hirsch

On a connu Nicolas Panayotou à ArtParis, à la la Galerie Popy Arvani [nos critiques ici] et à la Galerie Volchkova. Et on a tout de suite aimé l’univers fort de ce forçat de la peinture et chantre de la couleur. Du 13 juin au 5 juillet, l’exigence monte encore d’un cran avec “Rhodon” (rose), son nouveau solo show. Il s’étend sur 4 étages au cœur du quartier latin à la A2Z Art Galerie, réunissant les toiles de ses deux dernières années et force l’admiration. Nous avons rencontré l’un des grands talents qui est en train de devenir le chef de fil de la relève de l’Art cinétique.

Lire notre chronique de l’expo, ici.

Nicolas Panayotou fait une conférence à Paris sur “qu’est ce que l’optical’pop?” à l’A2Z Art Galerie juedi 3 juillet. Evènement facebook.

Qu’est ce que ça veut dire “Etre peintre” à l’heure du numérique ?
Maintenant tout est imprimé. A l’époque il l’avait fait à la main, mais avec sa technique : une technique de pochoirs à la main qu’il colle sur la toile. Quand tu passes la couleur, la couleur passe sous le pochoir, car c’est de l’acrylique qui contient de l’eau. Cela fait des bavures, la techniques est d’éviter ces bavures, j’ai réussi. J’ai beaucoup de couches dans ma peinture, au moins 10. Car il faut que le pochoir colle, j’ai une surépaisseur. Lui avait seulement 3 couches. Ce qu’il voulait faire était impossible. Il voulait conserver une couche très fine de couleur, quasi transparente, ce qui est la propriété de l’acrylique. Moi je l’utilise plus comme de l’huile, je reprends la technique des anciens, je ponce pour avoir des surfaces lisses. J’ai été dirigé par la technique, soumis à la réalisation, au temps de séchage.

Cela vous prend combien de temps de réaliser une toile ?
Un mois. J’en fais plusieurs en même temps, je passe à une autre pendant qu’une toile sèche. C’est un travail de résistant pour moi la peinture. C’est Deleuze. Tu résistes au temps.

Donc vous utilisez l’ordinateur ?
J’ai développé ma théorie de la main numérique, et l’esthétique est purement imprimée. Et le défi c’est de le faire à la main. Avant, les artistes avaient une dialectique nature culture, aujourd’hui c’est culture informatique. Je suis dans cette dialectique. En amont, je calcule tout sur ordinateur : la gamme chromatique et les formes, je fais fabriquer un patron ou est la forme et je dessine dessus au crayon. Le motif est sur une planche au carton, découpée au laser. Il y a un travail informatique en amont . Je réalise mes maquettes pour pouvoir ensuite commencer à peindre. Avant, je peignais au mur, maintenant je peins sur toile. Maintenant je suis soumis à la technique, à cause du pochoir, du patron. c’est elle qui me dirige. Plus ton savoir-faire est grand, plus ton répertoire est ouvert.

Alors que vous êtes inscrit dans un travail très physique, où se situe votre liberté ? 
Non; je n’en suis pas encore là. Ce sera la prochaine série. Je ne sais pas si tu as remarqué, sur mes toiles, il y a des formes de barreaux, la couleur vient de derrière. Il y a des cercles avec des lignes droites, en globes, aplatis. Pour moi, ce sont des barreaux. La prochaine étape sera de faire apparaître la lumière devant, cela va avec ma vie, mes expériences de vie. Et comme j’en ai pas, il va falloir en avoir. J’essaie de libérer le geste.

Quelle est votre filiation avec Jean Dewasne et Carlos Cruz-Diez ?
Ce sont deux immense artistes optiques qui m’ont influencé. Il y a dans l’exposition un hommage à Jean Dewasne. J’ai travaillé un temps avec Carlos Cruz-Diez, on développait un principe de trichromie, rouge, vert, bleu. Jean Dewasne, sa théorie, c’est de mettre du rouge décalé du bleu pour faire apparaître du gris. Moi j’ai une vision plus radicale, je fais apparaître un dégradé. Je vais aller sur toute la gamme de bleu de vert pour faire apparaître les couleurs. Je reprends la où eux se sont arrêtés. Moi, c’est toute la gamme chromatique, la gamme du prisme.

Vos tableaux ont évolué, tout se passe comme s’ils prenaient une 3ème dimension…
C’est la matière qui fait ça, je mets des tartines, ce qui déontologiquement ne se fait pas. Mais je suis obligé de le faire pour faire ressortir la couleur.

Pouvez-vous nous parler du titre de l’expo, Rhodon, la rose et le rose?
C’est une idée du galeriste, qui est parti sur cette phrase que chaque pétale est une fleur. Pour moi, l’important est la couleur rose. Elle est la plus expressive et la plus neutre, c’est ma couleur préférée, celle qui m’attire le plus, c’est une féminité assumée, j’aime cette ambivalence. La phrase de Duchamp : Rose Sélavy.

Et la série des cyclades ? de Tetra ? Dans ces derniers vous utilisez un blanc lumineux….
C’est les cercles. Et ce sont aussi les îles d’où je viens, notamment Ios. Pourquoi les Tetra je ne sais plus. Peut etre le côté carré. Les fonds blancs c’est nouveau. Je sors de ma caverne. Pour moi le blanc c’est le vide. C’est plus facile d’être obscur que d’être lumineux.

Votre nom français est Panagiotou, vous êtes “revenu” à Panayotou. Une signature sous le signe de la Grèce ?
Quand mes parents sont arrivés en France, on a francisé leur nom et moi je l’ai repris phonétiquement, comme ça s’entend. Étymologiquement Panayotou ça veut dire deux choses : qui pense et le tout. La vierge, les saints, tout ces aspect sacrés se voient dans ma peinture. L’éclaircissante obscurité. Pour arriver à la lumière, il faut qu’il y ait du noir. Un jour j’arriverai à la lumière. C’est des recherches finalement. C’est abouti mais je continue à chercher. On ne peut pas dire que c’est ma signature. Moi, je commence par des choses compliquées et j’aimerais arriver au simple.

Cette expo, c’est un passage, une signature ?
Maintenant, j’ai mon identité, je me suis affirmé par le travail. Il y a une phrase de Bunuel que j’aime bien : “Ce qui ne relève pas de la tradition est du Plagiat”. Personne ne part de rien, on ne peut faire l’impasse de siècles de peintures. J’aimerais aussi me mettre aux installations. Dans l’exposition, il y en a une, en bas. C’est la mise en forme des tableaux sous forme de 3D. Et la rose prend toute son ampleur, 4 pyramides comme des épines qui sortent avec une projection de couleurs, une scénographie mise au point avec un informaticien. On a essayé de rendre le mouvement de la projection et le mouvement de la machine qui tourne.

C’est la première fois vous exposez avec cette ampleur, sur 4 étages ?
Il y a le travail d’un an et demi. On a exposé auparavant à Art Beijing, je vais faire Art Shangai donc ce sont les portes qui s ‘ouvrent vers l’Asie, surement une résidence de 3 mois se fera en Chine l’année prochaine. C’est un style iconographique qui peut s’imposer plus facilement en Asie qu’en France. C’est une peinture de méditérranéen, de quelqu’un qui a vu le soleil, pas de parisien. Je m’inspire de Matisse, je n’utilise pas de noir dans ma technique. Matisse ne mettait pas du noir, il mettait du bleu de prusse ou du violet d’Egypte. Le noir n’est pas une couleur mais une valeur. Pareil pour le blanc, le fond est blanc mais je n’utilise pas de blanc. Noir et blanc, mort et vie, cette dualité est importante. Mais je ne suis pas dans le dualité, mais dans les dégradés. Je suis dans les équilibres et c’est peut-être ces équilibres que je dois casser justement. Pour être plus radical, pouvoir s’affirmer et dire ce qu’on pense, ce que je ne fais pas toujours et je pense que ça se voit dans ma peinture. Apparemment, ça plait aux Chinois. Mes collectionneurs sont de ma génération et j’en suis assez content. Ils ont un instinct naturel. Je laisse assez libre le spectateur d’ interprêter la toile comme il veut. C’est un abstrait figuratif, car il figure de la matière. Effet visuel. C’est du métal qui apparaît.

Vous sentez-vous dépendant du marché français ?
C’est étrange, pour avoir passé du temps et exposé à l’étranger, j’ai l’impression que je rentre maintenant dans le microcosme parisien. Je reçois des messages, les gens me contactent. Ils veulent que je devienne une espèce de chef de file, comme on est pas nombreux dans ce mouvement. Je vais le faire, comme un manifeste, seul. Mais je n’ai pas l’envie de prendre la tête d’un groupe. Des photographes me demandent de faire des expositions collectives, pourquoi pas mais tout ça est très embryonnaire, un peu bancal.

Quelle est la prochaine étape ?
L”exposition dure jusqu’au 5 juillet à la galerie et après je devrais normalement entrer en résidence à Shangai. après un petit passage par la Grèce…

Visuel : YH

Infos pratiques

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Mégane Le Provôt
Etudiante en Etudes de Genre, j'ai fait mon premier mémoire sur la représentation du genre dans la trilogie de fantasy française "La Quête d'Ewilan" de Pierre Bottero.

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