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Interview de Julian Feeld, un artiste à la recherche du réel

Interview de Julian Feeld, un artiste à la recherche du réel

28 April 2015 | PAR Constance Delamarre

Dans le cadre de son exposition à la Pijama Galerie, nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à Julian Feeld, artiste autodidacte sans frontière, qui nous expose son travail photographique à travers deux séries, La Forêt et Ecstatic death of the first heavenly body, jusqu’au 7 mai 2015.

Vous travailliez pour un label indépendant. Comment êtes-vous passé de la musique à la photographie ? 

En fait j’étais DJ pendant des années avant de fonder deBonton avec deux partenaires. Je m’occupais surtout de son côté visuel et conceptuel. Je voulais y apporter un enthousiasme naïf et enfantin ainsi qu’un jeu de genre, une sorte de mise à nu qui ne serait pas patriarcale ni misogyne. Après que l’esprit du label se soit dissolu et que nous soyons tous passés à autre chose, j’ai commencé à vouloir faire des œuvres visuelles un peu comme j’avais pu expérimenter avec deBonton, mais libre de ne pas être une couverture, un flyer, un communiqué au service de la musique. C’est pourquoi je me suis mis a la photographie argentique, pour pouvoir mettre en image certaines visions artistiques. Je ne me considère pas comme un photographe pur.

Comment vous considérez-vous ?

Je me considère comme artiste. Je fais de l’art photo-plastique, des films, et j’écris des romans. Les trois disciplines s’entre-alimentent.

Dans La Forêt, les corps sont dissimulés dans la Nature, et dans Ecstatic death of the first heavenly body, l’œil distingue difficilement la forme originale photographiée (technique de tirage argentique à travers du verre pilé) : pourquoi cette volonté de brouiller les pistes visuelles ?

C’est pour moi une manière de remettre en question le processus du regard et de la pensée, qui peut souvent révéler des choses plus intéressantes si on ne lui fait pas entièrement confiance. Ces processus mécaniques de perception servent de voile à une “réalité” plus insaisissable.

Vous travaillez en argentique: pensez-vous que le numérique ne permet pas la même recherche artistique ?

Avec le numérique tu prends plein de photos et tu passes beaucoup de temps devant un ordinateur. Ça dévalorise l’image et fait pour moi du travail quelque chose d’insatisfaisant, d’ennuyant. Et la qualité de l’image est bien plus intéressante en argentique.

La thématique de la nudité est-elle pour vous un leitmotiv esthétique ou une obsession instinctive ?

En fait je trouve que les vêtements ont tendance à placer le sujet humain dans une temporalité, et cela donne naissance à des préjugés inintéressants. Je cherche à m’éloigner de l’esthétisation du nu “érotique” (patriarcal, hétéronormatif) et de la mode en général, qui infecte l’art de manière assez insidieuse, le rendant banal et inoffensif.

Y’a-t-il un photographe ou un artiste qui vous inspire ?

Werner Herzog. Patti Smith. Giuseppe Penone. Ceux qui ont fait leur propre chemin, souvent avec ce qu’ils avaient à leur portée, et qui se fichent royalement des règles du système dans lequel ils travaillent.

Pour finir, quelle exposition pourriez-vous nous conseiller en ce moment ?

La Galerie de Minéralogie, dans le Jardin des Plantes. Je trouve dans l’art créé sans intention, sur des milliers d’années, quelque chose de vraiment émouvant.

A lire aussi, l’article de Bastien Stisi, commissaire de l’exposition, sur Boum!Bang!, pour cerner l’artiste dans toute sa complexité et découvrir plus amplement sa série La Forêt.

Jusqu’au 7 mai, Estatic Death, Julian Feeld, à la Pijama Galerie, 10 rue de Pont aux Choux 75003 Paris. Plus d’informations ici.

Visuels: Julian Feeld

1 – Flyer de l’exposition

2, 3, 4, 5, 6 – issus de la série La Forêt

7 – En haut à gauche: Grand Father / Black Water, en haut à droite: une pièce de La Forêt, en bas à droite: un bol d’Ecstatic Death of the First Heavenly Body

8 – Dyptique São Paulo / Cytology

Infos pratiques

Musée d’Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye
Museum of Modern Art (MoMA)
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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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