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“Images en Lutte” ouvre les commémorations de 68 aux Beaux Arts

“Images en Lutte” ouvre les commémorations de 68 aux Beaux Arts

21 February 2018 | PAR Lili Nyssen

Du 21 février au 20 mai 2018, l’exposition Images en Lutte aux Beaux Arts de Paris inaugure le cinquantenaire de Mai 68, plaçant le visuel au coeur des luttes et des mouvances qui ont traversé la fin des années 1960 et le début des années 1970. 

“L’insurrection est un art”, écrivaient Marx et Engels dans Révolution et Contre-Révolution en Allemagne. Contre la tendance que nous avons, particulièrement en France, de cerner les enjeux politiques et historiques par les mots et l’écrit, l’exposition “Images en Luttes” aux Beaux Arts de Paris place au cœur d’un témoignage historique et politique non les mots, mais l’image. Le visuel comme centre, vecteur, témoignage, voire même symbole en lui-même des revendications, luttes et affrontements de la fin des années 1960 et du début des années 1970.
Pour le cinquantenaire de Mai 68, l’exposition qui ouvre les commémorations n’a pas choisi son abri aux Beaux Arts par hasard. L’académie artistique mondialement reconnue avait pris part aux mouvements de grève de mai 68 dés le début des mobilisations, à l’initiative d’étudiants en architecture, qui constituaient un comité de grève dés le 8 mai. Le principe de l’occupation de l’Ecole était adopté le 13 mai.

Ainsi, une partie de la production exposée pour l’exposition est la création d’étudiants des Beaux-Arts, transformés en “Atelier Populaire”, où les étudiants travaillaient tant individuellement que collectivement à la création d’affiches et tracts originaux, à la vocation avant tout politique, mais qui occupent aujourd’hui une place de choix dans l’histoire de l’art. Car il y avait un lien étroit entre politique et esthétique, qui se cristallise dans ces affiches exposées par dizaines, centaines, dans la salle d’exposition. Les régimes utilisaient les représentations pour esthétiser la réalité et faire croire à la réalisation de l’utopie. Ce lien, les étudiants et enseignants des Beaux Arts l’utilisaient au profit de mobilisations et mouvements de grèves nationaux. Les mots, toujours présents dans les slogans, sont couchés en couleurs sur des affiches minimalistes et puissantes, dont l’esthétique d’ “avant-garde” coïncidait avec ce que l’essayiste américaine Kristin Ross décrivait comme le “refus massif (…) de continuer à concevoir le social de manière traditionnelle” (Mai 68 et ses vies ultérieures). Ces nouvelles images à but politique ont donc une qualité artistique et esthétique remarquable. Ces archives sont exposées aux Beaux Arts comme de véritables oeuvres ayant acquis, sorties de leur contexte historique et politique, une postérité artistique, et une cohérence comme mouvement d’art contemporain.

Car ces productions sont aussi l’occasion de développer une pratique de l’art alternative et militante, qui inclut le collectif, notion fondamentale et ciment des mobilisations d’extrême-gauche, dans la production des oeuvres. Les projets sont soumis à des décisions collectives, et par ailleurs, de nombreux projets sont rejetés. Cette manière de faire s’inscrit dans le rejet de la propriété privée prônée par le capitalisme. De même, les années 68 voient la constitution de collectifs artistiques, tant en peinture qu’en musique et en théâtre.

On déambule ainsi dans les Beaux Arts, sur un espace de 1000 m2 étalé sur deux étages. Les oeuvres s’étendent jusqu’en haut des murs, dans une richesse du nombre et de la diversité. Pas de panneau d’explications, mais un petit livret délivré à chaque visiteur pour qu’il se guide lui-même. Les différentes sections s’entremêlent, on traverse les fantasmes et les mouvements, les années et les revendications, et, bémol dissonant, on manque parfois d’informations historiques et contextuelles.

Car les productions des Beaux-Arts ne sont qu’une partie de l’exposition. Images en Lutte rassemble des productions visuelles de toutes sortes (unes de journaux militants, photographies, films et vidéos, installations artistiques, peintures, prospectus, tracts…) qui ne sont pas seulement des illustrations des luttes et mouvements qui ont traversé le monde dans les années 1960 et 1970, mais bel et bien des images qui combattent par un visuel performatif. Comme le nom de l’exposition le fait si bien comprendre, les images luttent d’elles-mêmes, et la lutte est sociale, politique et esthétique. On a bel et bien un mouvement culturel qui s’est développé à travers le monde via les visuels développés par les extrêmes gauches, dans leurs segmentations et la mise en commun de leurs revendications.

L’exposition reste ardue, et le manque relatif d’informations contextuelles la destine à un public d’initiés, intellectuel. Loin d’avoir aboli la société de classes, ces omissions font parfois basculer l’exposition dans l’élitisme, loin de l’esprit des années 68 où ces images, que nous regardons aujourd’hui avec un œil d’esthète décalé, ont pris forme.

Une rencontre avec les commissaires de l’exposition Philipe Artières et Éric de Chassey est prévue vendredi 23 février à 18 heures à l’Amphithéâtre des Loges, dans l’Académie des Beaux Arts.

Visuels : Presse ne pas avaler, Affiche sérigraphiée de l’Atelier Populaire ; Assemblée Générale ©Philipe Vermès ; Mur d’affiche ©Atelier Populaire d.r, Poing levé, Affiche sérigraphiée de l’Atelier Populaire ; Les dirigeants chinois saluent le défilé du 20e anniversaire de la Révolution, Bernard Rancillac. Une : La police s’affiche aux Beaux Arts, les Beaux Arts affichent dans la rue, affiche sérigraphiée de l’Atelier populaire.

Infos pratiques

SériesMania Lille.
Agenda cinéma de la semaine du 21 février
Lili Nyssen

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