Expos
Gerhard Richter en séries à la Fondation Beyeler

Gerhard Richter en séries à la Fondation Beyeler

17 June 2014 | PAR Yaël Hirsch

Après le grand panorama présenté entre autres à la Tate, la Neue National Galerie de Berlin et au Centre Pompidou de Paris, la merveilleuse Fondation Beyeler de Bâle expose de nombreuses toiles de l’artiste allemand Gerhard Richter. Laissant de côté la question proprement politique et une approche chronologique, “Tableaux /Séries” interroge avec vivacité la manière dont l’art de la copie pousse Richter aux bords de l’abstraction. Un vrai point de vue pour un festin de peinture. Jusqu’au 7 septembre.

[rating =5]

On entre das l’exposition par le fameux 1024 farben, palette pixelisée du peintre datant de 1973 et trônant au cœur de la fondation. Longiligne, la salle suivante propose face à face une série de maternités , S mit Kind (1995) revues d’après photo de manière de plus en plus abstraites par le peintre, en face des toiles quasi-contemporaines et portant pour seul titre leur date (mois+ 1989) font figure d’expressionnisme abstrait assumé, prouvent que le peintre travaillait en même temps l’abstrait et le figuratif et préparent, avec un couloir de Strip cinétiques et contemporaines qui ressemblent à une rampe de lancement (2013) à la salle magistrale du bord du jardin. Là, 8 toiles inspirées par (John) “Cage” (2006), aux couleurs flamboyantes font face à un cycle de 6 tableaux abstraits couleur rouille, de forme losange et datant de 1998. Au centre de ce dispositif, des sculptures en plexi diffractent couleurs et formes. Et au bout de la chaîne, on apprend avec la série plus ancienne Grau (1975) que Richter pratique en même temps que l’abstrait et le figuratif, un monochrome minimaliste couleur gris terre.

On revient ensuite doucement vers le figuratif, à travers une série de toiles plus rares et très dispersées dans le temps qui présentent clairement la manière dont Richter s’est inventé on copiste en plongeant son travail dans un abstraction croissante : Ella (2007) qui fait l’affiche de l’expo, le travail sur une annonciation du Titien à San Rocco (1973) et les fameuses 8 infirmières (1966) sont réunis avec conviction sous ces auspices de la copie à réussir… Dès lors, après une autre toile aux milliers de couleurs (4900 Farben) et un passage initiatique par une forêt contemporaine abstraite et luxuriante (Walde, 2005), ont relit différemment l’obsession pop, macabre et répétée, pour la mort de Ulrike Meinhof dans la série très noire sur la bande à Baader (Tote, 1988), avant de finir, encore et toujours sur un monochrome gris indépassable pour celui qui est né à Dresde en 1932 (Doppelgaru, 2014). On avait donc quitté la politique pour mieux en saisir le sens!

Un parcours quasiment initiatique, qui mêle les chronologies pour mieux montrer comment tous les aspects de la peinture de Gerhard Richter convergent vers un art ancré dans son temps et ses questionnements conscients ou inconscients. Non seulement l’exposition présente des chefs d’œuvres issus de musées et de collections privées qui se sont envolés dans les ventes, mais elle leur donne un sens passionnant. A voir!

photos : Yaël Hirsch

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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