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Exposition « Fusillé pour l’exemple » : une bonne visée, un résultat percutant

Exposition « Fusillé pour l’exemple » : une bonne visée, un résultat percutant

16 January 2014 | PAR Geoffrey Nabavian

En cette année de commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale, la Mairie de Paris propose deux expositions portant sur le quotidien des soldats et de la population parisienne. L’exposition « Fusillé pour l’exemple », qui se tient jusqu’au 7 mars, prodigue de la matière historique que l’on assimile sans mal, et qui nous émeut par son approche concrète et humaine. A voir.

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FusC’est une judicieuse idée que d’avoir installé cette exposition dans deux salons de la Mairie de Paris. Les lieux, resserrés, permettent une forme de concision, et n’épuisent pas. Nous allons donc évoluer entre des panneaux recouverts de photos prises essentiellement lors de la guerre des tranchées, à la découverte des « fusillés pour l’exemple ».

L’exposition désire évoquer l’ensemble des cas qui furent punis de mort, en insistant par exemple sur la folie, l’organisation des tribunaux et les réhabilitations. Les cas sont bien relatés : des hommes de carton portent sur leur poitrine les récits de destins d’hommes fusillés, et les images d’armes et de bombardements aident à imaginer l’état de ces soldats, tétanisés à l’époque par les armes modernes. L’évolution des tribunaux est plus complexe à saisir : un grand nombre de noms de chefs militaires interviennent. L’idée principale passe, fort heureusement : les jugements se sont déplacés, au cours du conflit, du gouvernement français à ces chefs.

Toute cette matière est donc dense. Les quatre ans de la Première Guerre mondiale sont passés au crible, et les dates sont légion. L’un des buts de la manifestation est de « présenter au public citoyen un état de la recherche historique sur le sujet ». On craint de s’y perdre. Mais les concepteurs ont pensé à condenser quelques éléments dans des tableaux astucieux, comme « Les sept idées reçues à propos des fusillés pour l’exemple », ou dans une frise chronologique très claire, située au centre de l’exposition. Ici, on apprend. Les questions et réponses de Laurent Avezou, historien, sont également très pertinentes car elles interrogent cette image des fusillés pour l’exemple que l’on a aujourd’hui en France : des victimes de l’incompétence des chefs. L’apport de la recherche est en fait essentiel pour la constitution d’une opinion personnelle.

Ce qui fait surtout la valeur de cette exposition, c’est qu’elle met l’humain au centre. On est ému surtout par les documents originaux qui nous sont présentés: la feuille de procès d’un soldat, avec les mentions manuscrites, dont le fameux « condamné à mort » ; les billets échangés par les généraux à propos de la façon de conduire les jugements ; les lettres d’adieu ; et les films d’époque, bien sûr, qui nous tétanisent toujours aujourd’hui.

Des éléments d’animation s’ajoutent à cette bonne tenue : quatre fusils pointés, à la hauteur usitée à l’époque lors des exécutions, qui nous surprennent au détour d’un couloir ; quelques très belles photos –pas assez- d’une jeune artiste britannique, Chloe Dewe Mathews, qui se rend sur des lieux où furent fusillés des hommes, et les photographie en leur donnant une profondeur étonnante et inédite ; des œuvres d’art contemporaines commandées à des créateurs, dans le but de dialoguer avec « l’art des tranchées ». Le dosage des éléments a été fait de façon judicieuse.

Au final, il s’agit d’une exposition qui, comme celle des photos de Charles Lansiaux sur Paris, nous procure l’impression d’évoluer à hauteur humaine, d’être dans la bonne perspective pour appréhender ces fusillés pour l’exemple en tant qu’hommes tués par les balles de leurs frères d’armes. C’était l’essentiel.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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