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David Lamelas au FRAC Lorraine : quand l’art s’installe dans la vie

David Lamelas au FRAC Lorraine : quand l’art s’installe dans la vie

21 July 2014 | PAR Maïlys Celeux-Lanval

Quand on y pense, une exposition monographique c’est un peu comme un emménagement. L’artiste s’installe dans le lieu, y place ses œuvres et par là-même le redéfinit. N’avez-vous jamais été ému de revenir dans un même musée et de le voir complètement transformé d’une exposition à l’autre ? Chaque expo est une histoire entre l’artiste et le musée : il s’agit de jouer le jeu à fond pour laisser un souvenir inoubliable au visiteur. David Lamelas est un spécialiste des installations in situ : il adapte ses œuvres à chaque lieu, pour une réactivation constante de son esthétique et de son message. Exposé du 11 juin au 21 septembre 2014 au FRAC Lorraine, il présente des œuvres des années 60-70 ainsi que quelques œuvres récentes.

Cela faisait longtemps que les œuvres de David Lamelas n’avaient pas été exposées en France. Cet artiste argentin né en 1946 est un créateur touche-à-tout : des installations, des photographies, des sculptures lumineuses, du cinéma expérimental… et ce, toujours avec une petite pointe de piment et d’humour ! L’exposition de FRAC reprend, ou plutôt réactive celle qu’il avait faite à Oslo il y a peu. Petit parcours sélectif dans cette exposition à voir absolument si vous êtes dans le coin :

Quand on entre dans la cour historique du FRAC, une chaise longue nous invite d’emblée à nous alanguir au soleil… Quoique, on hésite, puisque cette chaise est entourée de tirets blancs, et ressemble d’avantage à une installation intouchable qu’à un banc public. Mais on vous le confirme, si les tirets sont bel et bien l’œuvre de David Lamelas, la chaise longue elle est disposée à vous accueillir. L’artiste reprend ici une œuvre de 1968 : à Hyde Park, il avait entouré des arbres de tirets. En faisant cela, il attire l’attention sur l’objet placé à l’intérieur et le sacralise… À moins qu’il ne le rende caduque ? En tout cas, il utilise le réel à l’infini, puisqu’il peut installer ses tirets dans n’importe quel endroit. Cette œuvre est déclinée de plusieurs manières dans la suite de l’exposition – on peut aussi regarder des photographies de l’installation originale – et se retrouve dans le très joli jardin du FRAC, où plusieurs sortes de plantes poussent comme dans un jardin botanique, accompagnées de leur nom.

S’amusant avec la formule de Marcel Duchamp, Paris n’existe pas, il produit des panneaux façon panneaux indicatifs de noms de rue pour reprendre cette absurdité, et répond à Duchamp dans une lettre, lui certifiant de manière officielle que Paris existe bel et bien.

Puis, on découvre un travail fait à Milan où, pour son exposition dans une galerie du centre ville, il a placé un appareil photo devant la galerie et pris vidéo et photographies des passants. En activant ainsi l’emplacement de la galerie, il la fait exister de manière différente, mêlant art et réel dans une même proposition. Ainsi les visiteurs de l’exposition portaient un regard neuf sur la galerie, sur le quartier… C’est comme si on venait voir à Beaubourg une exposition de photographies du quartier, des habitants, des boutiques – on ressortirait sans doute de l’exposition le cœur ouvert aux autres et l’œil attentif sur la ville. Cet art généreux, qui s’écarte du snobisme du milieu de l’art contemporain, séduit. C’est ingénieux, c’est malin, c’est mignon.

Autre œuvre frappante, l’inscription « Ici, dans cette pièce, deux personnes ne se rencontreront jamais » entre deux horloges. On ne saurait trop quoi en dire, mais bizarrement cette inscription fait sourire, puis grimacer, et finalement reste en tête comme un refrain entêtant…

Enfin, dernière œuvre que nous vous dévoilons, Limit of a Projection, l’œuvre finale consistant en un carré de lumière est projeté au sol : sachez, car ce n’est peut-être pas évident à première vue, que la finalité de cette œuvre est de faire pénétrer le spectateur dans son halo. Le public active l’œuvre en y prenant part : chacun la rend différente.

On aime David Lamelas pour la discrétion amusée et amusante de son art : il s’installe dans le réel sans faire de bruit, le capture, le modifie, le stimule, mais sans être spectaculaire ou monumental. Il y a de la modestie et de l’humilité dans ses œuvres… Cela ne le rend que plus grand. On est séduit !

David Lamelas au FRAC Lorraine, du 11 juin au 21 septembre 2014

Visuel : MCL

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Maïlys Celeux-Lanval

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