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« Corps rebelles » au Musée des Confluences de Lyon, une rencontre immersive avec la danse contemporaine

« Corps rebelles » au Musée des Confluences de Lyon, une rencontre immersive avec la danse contemporaine

16 September 2016 | PAR Charles Filhine-Trésarrieu

Le tout récent Musée des Confluences de Lyon accueille « Corps Rebelles », une exposition sur l’histoire de la danse contemporaine, jusqu’au 5 mars 2017. Cette exposition est le fruit d’une collaboration entre le Musée des Confluences, la Maison de la danse (Lyon) et le Musée des civilisations de Québec (qui avait présenté une première version de « Corps rebelles » entre mars 2015 et avril 2016). Ces trois institutions ont tenté de trouver des réponses aux problèmes qui se posent lorsque l’on veut exposer la danse et la présenter au grand public.

Lorsque l’on pénètre dans la salle qui accueille « Corps rebelles », les yeux doivent d’abord s’habituer à la lumière tamisée qui plonge la salle dans une semi-obscurité et les oreilles progressivement s’ouvrir aux voix intrigantes qui laissent rapidement percevoir quelques sonorités québécoises. La sensation recherchée ici est claire : l’immersion. Et c’est réussi. Casque audio vissé sur la tête et boîtier intelligent à la ceinture, le visiteur est paré pour une excursion dans le monde envoûtant de la danse contemporaine.

L’exposition est composée dans sa grande majorité de vidéos, des boucles de quelques minutes consacrées chacunes à l’un des cinq thèmes principaux qui composent « Corps rebelles », de la « Danse virtuose » à la « Danse politique » en passant par la « Danse vulnérable ». Le boîtier auquel est relié le casque audio du visiteur détecte dans quelle partie de la salle il se trouve et adapte la bande son à ce qui se trouve devant ses yeux. Chacun déambule alors à son propre rythme, au gré des images de performances et d’interviews. Pour découvrir chaque thème il faut à chaque fois entrer au centre d’un espace délimité par trois grands écrans sur lesquels sont projetés les films. Ces vidéos mettent en scène des chorégraphes que la commissaire de l’exposition, Agnès Izrine, a rencontré et fait parler. On découvre ainsi des personnalités comme Louise Lecavalier ou Raimund Hoghe qui se livrent sur ce qui fait la spécificité de leur art et le rapport passionnel qu’ils entretiennent avec leur profession. Les images alternent entre des plans fixes des chorégraphes en train de se confier et des images qui les présentent en action, ce qui permet à l’exposition de rester dynamique. En complément de ces interviews chaque espace est accompagné d’écrans plus petits où sont diffusés des extraits des performances que les organisateurs ont considéré comme les plus célèbres et plus représentatives de la danse contemporaine : du Café Müller de Pina Bausch au CRWDSPCR de Merce Cunningham.

Un sixième thème est consacré à l’histoire de la danse à Lyon. Certains pourront trouver qu’il dénote par rapport aux autres espaces, tous liés à l’histoire de la danse contemporaine dans son ensemble. Cependant, pour ceux qui s’en accommoderont, ce dernier thème se révélera tout aussi passionnant que les cinq autres, en faisant notamment s’exprimer Mourad Merzouki, chorégraphe majeur de l’histoire du hip-hop et originaire de la banlieue lyonnaise. Outre ces six espaces à thèmes, l’exposition propose également un espace plus grand et dédié à une œuvre en particulier : le Sacre du printemps, monument de l’histoire de la danse accompagné par la musique de Stravinski depuis 1913. L’exposition nous interroge : après plus de 250 nouvelles versions interprétées depuis la présentation originelle, à quelle point nous sommes-nous éloignés de la chorégraphie perdue de Nijinski ? Vous pourrez alors alimenter votre réflexion en vous installant au centre de cet espace aux multiples écrans qui vous permettra de comparer huit représentations différentes du Sacre du printemps à travers des extraits synchronisés sur une même bande son et diffusés en simultané. La mythique version de Maurice Béjart est particulièrement captivante.

Après cette plongée enivrante, il est parfois difficile d’émerger. Mais ceux qui souhaiteront continuer le bain seront alors invités à participer à une performance collective dans une salle attenante à l’exposition. Il s’agit d’une expérience chorégraphique intitulée « Danser Joe ». Les organisateurs ont souhaité faire revivre une pièce de 1984, Joe, du chorégraphe canadien Jean-Pierre Perreault, qui nous a quitté il y a quatorze ans. Après s’être munis d’un imper et d’un chapeau de feutre, une vingtaine de participants incarnent « Joe », le personnage de « Monsieur Tout-le-Monde » québécois. Guidés par la voix enregistrée de Ginelle Chagnon, une des collaboratrices de Perreault, les apprentis danseurs devront s’exprimer en suivant une chorégraphie d’une dizaine de minutes qui les amènera à interagir les uns avec les autres. Certaines semaines spéciales, « Danser Joe » laissera sa place à la découverte d’artistes professionnels qui viendront présenter leurs dernières chorégraphies aux visiteurs. Les premières résidences chorégraphiques au programme seront celles de Qudus Onikeku du 20 au 25 septembre et Bouba Landrille Tchouda du 11 au 16 octobre. Dans le cadre de la Biennale 2016 et parallèlement à « Corps rebelles », le bâtiment du Musée des Confluences abritera également quelques ateliers et rendez-vous (sur réservation uniquement) et plusieurs performances et rencontres gratuites et ouvertes à tous, dont entre autres une représentation du spectacle Corbeaux de Bouchra Ouizguen le 22 septembre.

On saisit rapidement quels ont été les objectifs des organisateurs en préparant « Corps rebelles » : rendre cette exposition accessible à ceux qui ne savent pas grand chose de la danse contemporaine et faire en sorte qu’elle soit malgré tout intéressante aux yeux de ceux qui connaissent déjà bien ce monde si particulier. Si ici les néophytes ne se perdent pas dans l’océan de diversité qu’est la danse contemporaine, c’est parce que les espaces sont bien délimités et les thèmes abordés choisis avec pertinences, en renvoyant chacun à des enjeux de société qui devraient toucher tout le monde. Et si les initiés ne se noient pas dans l’ennui, c’est parce que, malgré l’aspect pédagogique assumé d’une telle exposition, il est plaisant de redécouvrir à travers ces vidéos certaines des plus grandes performances contemporaines et il est aussi étonnant de voir des chorégraphes connus se dévoiler avec autant de sincérité. En cela l’exposition est très réussie. On regrette peut-être simplement cette volonté de présenter beaucoup d’images en noir et blanc. On comprend que ce choix esthétique a été décidé, en complément de la lumière faible et du casque isolant des autres visiteurs, dans le but de renforce l’atmosphère intimiste et l’impression que l’exposition a été faite pour vous et vous seul. Mais une exposition un brin plus colorée aurait pu être tout aussi intéressante et immersive toute en étant peut-être plus accessible aux plus jeunes.

Informations pratiques :

Du 13/09/2016 au 05/03/2017

Au Musée des Confluences de Lyon

86 quai Perrache 69285 Lyon

Bus C7, C10, 15, 63 et Tramway T1 – Arrêt Musée des Confluences

www.museedesconfluences.fr

Horaires :
Mardi, mercredi, vendredi : 11h – 19h
Jeudi : 11h – 22h
Samedi, dimanche et jours fériés : 10h – 19h

Adultes plein tarif : 9 €
Adultes tarif réduit : 6 €
Adultes à partir de 17h : 6 €
Jeunes 18-25 ans : 5 €

Visuels : © Bertrand Stofleth

Infos pratiques

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