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Ben se questionne au musée Maillol

Ben se questionne au musée Maillol

20 September 2016 | PAR Alice Aigrain

Première rétrospective de l’artiste Ben au sein d’une institution parisienne, le musée Maillol réussit à proposer une lecture didactique, drôle et diversifiée de l’artiste dont l’écriture est iconique.

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Pour beaucoup, Ben est un artiste de salle de classe. Ses écritures ornent les trousses et cahiers et en font des best-sellers de la rentrée scolaire année après année. Le musée Maillol entend démonter que cette vision est bien restrictive concernant un membre du groupe Fluxus, un réinventeur – et signataire – de l’acte créatif duchampien poussé à son paroxysme, un artiste post-moderne par excellence.

Pour ce faire, le musée Maillol démarre son exposition par une section historique. Reprenant chronologiquement les œuvres de Ben, le visiteur peut en comprendre l’évolution, les choix et les provocations. Ainsi, l’accrochage démarre par quelques abstractions et « bananes », réalisées entre 1955 et 1958, qui sont indicielles des expérimentations de Ben pour trouver un langage formel novateur, simple et reconnaissable. Rapidement pourtant, ce sont les écritures qui s’imposent. Le message prend alors la première place dans l’œuvre, bien que la graphie soit reconnaissable entre toute. Un choix peu étonnant de la part du niçois qui répond à la question « profession ? » par « artiste-peintre mais j’aurais préféré être philosophe ou politicien ».

Par l’humour, la provocation, l’absurde et le poétique, Ben se propose de questionner le statut et le rôle de l’art, ses frontières et ses limites. « Tout est art ? », nous demande ainsi le titre de l’exposition. Pourtant, tout laisse à penser que Ben, en reprenant le geste de la signature comme acte de désignation d’un objet en œuvre d’art, laisse peu de place à l’incertitude, puisqu’il appose son nom sur absolument tout, de l’humain à l’horizon, en passant par les œuvres des autres ou même Dieu. Acte premier de son œuvre, démontrant son égo quasi divin, Ben revisite et cite l’histoire de l’art dans un jeu permanent d’amour et de désamour.  Pourtant la réponse n’est peut-être pas si intangible. puisque Ben questionne et doute de tout dont de lui et de son égo. N’abandonnant jamais la démarche d’expérimentation, même quand il se répète, il s’essaye également à  différents médias et supports : photographie, céramique, sculpture objet, etc, afin de pousser toujours plus loin les limites de l’art, ou leur absence. La performance devient centrale de sa pratique durant les années 60 et 70, avec sa série de gestes. Cherchant à fondre l’art dans la vie, en questionnant le statut de l’œuvre, comme de l’artiste, exposant de tout, performant sur tout, faisant du public un acteur de son œuvre, Ben est à la fois un artiste iconique, singulier et profondément en lien avec les formes artistiques émergentes de son temps. On regrette cependant l’accrochage de la partie historique qui ne laisse pas de place à la participation du public dans les œuvres, vidant parfois le propos des productions exposées.

Une seconde partie de l’accrochage se consacre aux œuvres les plus récentes de Ben. Carte blanche laissée à l’artiste, qui semble avoir encore beaucoup à dire et à écrire. Plus politisé, plus philosophique aussi, Ben utilise toujours son humour caustique, mais abandonne parfois un peu la provocation. Celui qui se mettait à mal pour expérimenter les limites de l’art et les siennes, celui qui osait tout exposer dans son « Magasin » de disque niçois, celui qui ne reculait devant aucune provocation pour questionner le public, reprend ici les grandes thématiques de sa carrière, mais les inclut dans un discours plus construit où l’artiste se raconte à son public. Ludique et percutant, montrant un artiste toujours aussi énergique, cette partie manque cependant un peu de belles provocations dont Ben semblait pourtant être maître. Ses œuvres contemporaines continuent de questionner la place de l’art dans le monde et la vie, à citer les grandes figures de l’histoire de l’art. Pourtant, à la question de ce qu’il pense de l’art contemporain, Ben répond « une escroquerie ». Force est de constater qu’il en est un exemple non dénué de génie.  Puisqu’en sortant de l’exposition, le magasin du Musée Maillol vend bien évidemment tous les produits dérivés de l’artiste distribué par le mécène de l’exposition Quo Vadis. Puisque tout est art, si Ben l’a signé, alors ta trousse aussi.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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