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Architecture et Humanité les permanentes de la MEP percutent

Architecture et Humanité les permanentes de la MEP percutent

30 May 2018 | PAR Agnes Polloni

La MEP ouvre ses portes à deux artistes pour exposer respectivement Nicolàs Combarro “Interventions”  et James Nachtwey “Memoria”, deux artistes et deux ambiances pour une réalité sombre et colorée, à voir  dès aujourd’hui et jusqu’ au 29 juillet 2018.

Interventions de Nicolàs Combarro 

Les formes, les structures et les couleurs sont des éléments que le photographe espagnol aime exploiter, comme un enfant qui repeint son mode ou plutôt son environnement. À partir de lieux inédits ou insolites parfois même laissés à l’abandon, Nicolàs Combarro s’en empare et les remodèle de façon colorée, et vivante. Il arrive qu’une de ses photographies puisse s’assembler avec le décors pour ne former plus qu’un, notamment sa photographie où il à totalement repeint une façade en vert, qui surplombe elle-même un parterre de gazon. Un enfant, Nicolas Cambarro est un grand enfant, qui s’amuse, qui s’apprête volontiers à la peinture, au collage et à la photo, car c’est à travers cette abstraction de l’espace qu’il trouve refuge. La MEP lui a d’ailleurs laissé la porte ouverte dans le sous-sol caverneux, pour qu’il y projette l’une de ses oeuvres : un œuf de lumière, qui envahit l’un des pièces-souterraines de la galerie. Et comme si cela n’était pas suffisant, l’artiste était présent lors de l’exposition, barbe taillée et cheveux longs, s’amusant du regard inquisiteur des spectateurs. Son adaptation à la langue Française fut rapide, puisqu’il la pratique avec aisance, en l’apprenant “dans les bars” s’amuse-il à indiquer. Mais avant tout, Nicolàs Combarro est un obsédé de la géométrie et des formes, une obsession qu’il ne cache pas lui même. Certaines de ses oeuvres sont des lignes de lumière qu’il projette dans des gymnases, hangars ou encore galerie d’exposition complètement laissées à l’abandon, les encadrant d’une architecture nouvelle, pour leur offrir un “nouveau présent”  dit-il en esquissant un sourire. Cette architecture contemporaine populaire qui appartient à son domaine d'”Intervention”, en révèle les formes cachées, sous un pinceau vibrant d’énergie et de teintes pigmentées ou de collages, les murs n’ont qu’à bien se tenir.

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Memoria de James Natchwey 

Memoria. Un mot qui nous rappelle la monotonie des cours de latin, et cette phrase que l’on en oubliera jamais : “Memento Moris”  [ Souviens toi que tu vas mourir un jour. ] Se rendre à l’exposition de James Natchwey (décrit comme le photoreporter le plus prolifique de cette décennie) c’est accepter l’inacceptable, déshumaniser l’inhumain pour humaniser le peu d’humanité qu’il en reste. Sous son objectif perçant, le photographe capture tout ce qu’il y’a de plus barbare en nous, et qui en affectera inéluctablement un autre. Dans ce jeu de la souffrance, on retrouve pêle-mêle les catastrophes naturelles, l’exode rurale, le sida et la tuberculose, les guerres incessantes. Le pire de tous sont les clichés sur la famine, capturés en Tchétchénie, Indonésie, Afghanistan, Irak ou encore Afrique du Sud. À la manière des “Freak Show”, ces cirques détestables du 20ème siècle, qui mettaient en scènes les handicapés et difformes, rejetés d’une société trop conforme, James Natchwey approfondit le sujet à travers les continents. Il harponne tout le misérabilisme de l’humanité, provoqué par l’humanité elle-même, afin d’éveiller les consciences, sensibiliser ces être humains dans toute leur beauté et leur courage. James Natchwey est un témoin de ce cauchemar, “ces images sont mon témoignage”, un témoignage renversant de témérité : “s’ils souffrent, cela ne signifie en aucun cas qu’ils manquent de dignité, s’ils ont peur cela ne signifie en aucun cas qu’ils ne manquent de courage. Surmonter la peur est peut-être la définition même du courage.” D’une femme pleurant sa terre d’abri qu’elle quitte, à un enfant hurlant de peur dans un lit rouillé en Tchétchénie, les images sont éblouissantes de douleur. La famine est sans doute le couloir le plus difficile à arpenter, tant les images sont saisissantes, c’est en Afrique que se déroule ce drame. Des hommes et femmes déposent avec délicatesse des corps déchus bien trop maigres, enroulés dans des tissus. Leur maigreur extrême que l’on devine sous ce textile et tel qu’on ne différencie plus les pieds de la tête. Sur ces terres arides, une femme est allongée dans un cabrouet, tendant désespérément la main au photographe, elle est affamée. À l’opposée géographique, un jeune adulte indonésien à qui il manque un bras nettoie son frère au bord d’un lac. En Afghanistan, un jeune père est effondré, tenant dans ses bras  un nourrisson emmailloté, probablement décédé. La boucherie est sans faim et n’a pas de visage.  À la fin de cette exposition, comme une résurgence de solidarité, les médecins de guerre apparaissent sur des clichés, soignant des malades sanguinolents. Fort heureusement d’ailleurs, car nous ressortons de cette exposition glacés.

Agnès Polloni 

 

Infos pratiques

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Musée d’Art Moderne – Paris
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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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