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Expo Hokusai au Grand Palais : le Japon d’Edo sublimé par le « fou du dessin »

Expo Hokusai au Grand Palais : le Japon d’Edo sublimé par le « fou du dessin »

01 October 2014 | PAR Géraldine Bretault

Katsushika Hokusai, l’artiste japonais le plus célèbre au monde, nous est présenté dans une exceptionnelle rétrospective au Grand Palais. Un événement à ne pas rater, d’autant que l’ouverture prochaine au printemps 2015 d’un Institut Hokusai au Japon devrait limiter les prêts d’œuvres à l’avenir. 

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La dernière grande exposition sur Hokusai en Europe s’est tenue à Berlin, en 2011, sous l’égide du même commissaire, Seiji Nagata, grand spécialiste de Hokusai. Cependant, cette vaste rétrospective à Paris lui tenait particulièrement à cœur, et pour cause : sans la découverte de Hokusai par les ornemanistes et artistes français de la deuxième moitié du XIXe siècle, et une première monographie d’Edmond de Goncourt, ses estampes se seraient peut-être perdues, et sa renommée ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui.

L’exposition commence par introduire ce jeu de miroir fascinant, en cherchant à comprendre la fascination que ces estampes japonaises ont exercé sur les milieux artistiques parisiens : un nouvel exotisme, plus puissant encore que les odalisques de l’orientalisme, mais surtout, une liberté exceptionnelle de composition et de cadrage : pour les artistes de l’époque, encore assujettis aux lois de la perspective et du modelé imposées par l’Académie, il faut imaginer le vent d’air frais qu’ont fait souffler ces estampes avec leurs aplats de couleur si délicats, leurs cadrages insolites, leur affranchissement de toute perspective…Les impressionnistes ne s’y tromperont pas, de Van Gogh à Cézanne, qui fera de la montagne Sainte-Victoire son mont Fuji, en passant par Monet, grand collectionneur, mais aussi les Nabis et tant d’autres.

Le parcours reprend ensuite le découpage classique en six chapitres de la longue carrière de Hokusai (1760-1849), désignés chacun par ses noms. L’artiste prolifique a en effet vécu 89 ans, pendant lesquels il aurait changé plus de cent fois de patronyme…. Autant de ruptures de style qui méritent d’être évoquées dans le détail, d’autant que Hokusai a exploré toutes les techniques et tous les formats de son temps : l’estampe, mais aussi la peinture sur rouleaux, les surimonos (estampes privées précieuses), les jeux à découper pour les enfants, l’illustration de romans… C’est cette incroyable capacité à se renouveler, et la variété des thèmes abordés qui frappent le plus, servies par une muséologie impeccable.

L’exposition est en effet d’une élégance remarquable, très accessible grâce aux nombreux cartels développés, aux textes complets sur les cimaises aux tons sombres, aux nombreuses vitrines bien éclairées et dégagées. Les compléments à la visite ne sont pas en reste : en milieu de parcours, une borne multimédia permet de consulter les planches de la célèbre Manga, véritable encyclopédie vivante du Japon à l’époque d’Edo, et sommet de la carrière de Hokusai ; un documentaire présente également les différentes étapes techniques de l’impression  d’une estampe.

Si l’absence d’estampes érotiques shunga peut décevoir (parti pris du commissaire qui craignait qu’elles n’éclipsent le reste de l’œuvre), la grande salle de la période Litsu éblouit par le nombre de chefs-d’œuvre réunis : la célèbre série des 36 Vues du mont Fuji, très bien représentée, avec l’incontournable vague, mais aussi les Cascades, les Ponts, les délicates estampes de kacho-ga (insectes ou oiseaux avec une branche d’arbre fleurie)… Ce sont tous les fondements de la culture japonaise qui nous sont contés à travers le regard profondément humaniste de Hokusai, curieux, sensible aux beautés les plus tangibles des courtisanes, comme aux ailes d’un papillon ou aux nuées qui ceignent le Fuji au petit matin…

De l’art d’élever l’ukiyo-e – estampe du monde flottant – au rang des plus beaux haikus

Catalogue de l’exposition, éditions RM-Grand Palais, Paris 2014,  415 pages, 590 illustrations, 50€
Pour prolonger votre visite, nous vous recommandons vivement la lecture du catalogue de l’exposition, extrêmement complet et soigné, fruit de l’exigence du commissaire Nagata Seiji : celui-cil tenait notamment à ce que l’intégralité des estampes présentées dans les deux volets de l’exposition figurent dans ses pages. Les notices sont très complètes, et les essais inédits autour de la Manga, du monde de l’édition à Edo, de la technique de l’estampe, permettent de brosser un tableau historique et social complet de la période.

 

Pour des raisons de conservation, l’exposition sera en relâche entre le 21 et le 30 novembre 2014, le temps de retirer les tirages présentés et d’accrocher d’autres vues de la même série.

 

Visuels :
© Rmn-Grand Palais (musée Guimet, Paris) / Thierry Olivier
© Katsushika Hokusai Museum of Art
© The British Museum, Londres, dist. Rmn-Grand palais / The Trustees of the British Museum
© Couverture du catalogue.

Infos pratiques

Manufacture des Abbesses
Théâtre de l’Atalante
Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

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